Monday, March 20, 2017

Hind Joudar « Mon leitmotiv c’est faire connaître la culture orientale à travers la mode »

 

Spécialiste de la mode orientale et du caftan et auteure du livre « Les merveilles du caftan », la Fondatrice de l’Oriental Fashion Show œuvre depuis 12 ans à faire rayonner « le grand Orient » dans le monde. Passionnée d’histoire, d’art et de culture, la Présidente de l’Association « Les Routes de la soie et d’Al Andalous » prône à travers ses défilés une universalité de la culture.

Après l’Oriental Fashion Show, vous lancez la 1ère édition de l’Oriental Fashion Day (11 mars). Oui, c’est une première à Paris, c’est un concept qui vise à lancer une nouvelle génération de créateurs qui n’a jamais défilé à Paris. Et comme ils sont très talentueux, on voulait qu’ils aient une visibilité et je pense que dans quelques temps, ils vont vraiment décoller.

Comment s’est faite la sélection des stylistes ? Il faut qu’ils aient une petite touche orientale, qu’ils soient de vrais stylistes ayant leurs propres créations, et qu’ils aient un esprit d’entreprenariat aussi car ils doivent être conscients qu’ils créent aussi pour les autres, afin qu’ils puissent se positionner sur un marché. Certains stylistes, de part leurs origines, ont déjà une culture orientale et à l’heure de la mondialisation, il faut s’ouvrir au monde et chacun doit pouvoir exprimer sa culture à son aise et la faire connaître. D’ailleurs, mon leitmotiv c’est faire connaître la culture orientale à travers la mode.

Quelle est la différence avec l’Oriental Fashion Show ? L’Oriental Fashion Show est plus ou moins réservé à l’élite de la mode orientale, la sélection est plus exigeante puisqu’il s’agit de professionnels confirmés. La collection doit être parfaite et les matières doivent être de qualité.

L’Oriental Fashion Show souffle cette année sa 17e bougie, trouvez-vous qu’il est arrivé à maturité ? Tout à fait, d’où la nécessité de consolider l’événement. Je pense que la stratégie la plus viable pour les créateurs orientaux haute couture repose sur une large couverture médiatique. Par la suite, il faut structurer leur travail pour qu’il soit marchandable et que les acheteurs professionnels internationaux puissent s’adresser à eux. Le caftan deviendra ainsi une robe qui rentre dans la globalité et qui sera accessible à tous. Ceci étant, on a encore du travail à faire, même si le travail effectué depuis 12 ans commence à porter ses fruits. Et bien qu’il y ait de plus en plus d’événements qui font la promotion de la mode orientale, certains événements ne sont pas bien structurés, ce qui porte atteinte à la profession !

Avez-vous déjà organisé des défilés en dehors de Paris ? En septembre 2016, j’ai organisé un défilé à la Mamounia (Marrakech), puis j’ai participé à Doha à l’événement « Hiya », consacré à la femme arabe. Vous savez, le Maghreb et la France sont très importants pour moi, et bien que le contexte actuel ne nous facilite pas toujours la tâche, je suis persuadée que la culture est un levier important pour changer les mentalités. J’aimerais faire un défilé à Alger et à Casablanca…

J’aimerais promouvoir les bijoux traditionnels marocains et les robes berbères et sahraouies.

Vous êtes juriste de formation. Pourquoi vous avez bifurqué vers la mode ? Pour moi, c’était comme une sorte de prise de conscience. Lorsque j’ai perdu brutalement mon père et ma sœur, je me suis beaucoup remise en question. Car ils étaient les gardiens de la tradition marocaine chez nous. C’était donc important pour moi de sauvegarder cette tradition pour la transmettre à nos enfants. Et comme ma sœur était une grande passionnée du caftan, j’avais décidé de lui rendre hommage en organisant un défilé de caftans (2004). Même si pour moi à l’époque, le caftan n’était qu’un simple vêtement qu’on portait dans les mariages ! Cela dit, la culture arabo-musulmane me fascinait depuis mon plus jeune âge, j’adorais l’histoire de la Méditerranée, des conquêtes…et quand je suis arrivée en France à 13 ans, je commençais à m’intéresser à l’histoire de la France,… il fallait s’intégrer, mais à un moment donné, ma culture que j’avais mise de côté m’est revenue brutalement, à cause ou grâce de cette rupture avec les gens que j’aimais.

C’est pour cela que vous aviez décidé d’écrire un livre sur « Les merveilles du caftan » sorti en 2012 ? En fait, avec ce 1er défilé, j’avais envie de faire le deuil mais je me sentais encore plus mal, je voulais faire un livre sur notre parcours familial mais je ne savais pas par où commencer. Le caftan c’était donc ce support qui allait me faire raconter à la fois mon histoire, celle du Maghreb et des Maghrébins (héritiers d’une culture du monde venant du Moyen-Orient, d’Asie et d’Europe), et me permettre de promouvoir le caftan. Après cet événement, une de mes amies à l’Office du Tourisme qui voulait promouvoir le Maroc à travers le caftan, m’avait demandé de la mette en contact avec les stylistes, mais à vrai dire, cette démarche me dérangeait car je ne voulais pas que le caftan soit une sorte de produit d’appel ! Ce vêtement qui répond au critère d’une robe haute couture, méritait plus d’être sur les podiums et d’être visible à l’international. Au fur et à mesure que j’avançais dans l’écriture de mon livre, je ressentais une grande fierté pour le caftan, je voulais le comprendre, j’ai découvert tout un monde merveilleux de l’Afrique du nord jusqu’en Chine. J’ai étudié les étoffes, les broderies, la symbolique et sa catégorisation dans chaque pays, la signification des couleurs… Et c’est au salon de Genève que je l’ai présenté en 2012.

Les difficultés que vous rencontrez ? On aimerait bien avoir du soutien, vous savez, je suis une des premières personnes à avoir fait la promotion du caftan marocain en Europe, et même si des fois, il est réduit à un produit d’appel, ça lui a rendu service. Il y a aussi un manque de reconnaissance, je trouve qu’en tant qu’immigrés marocains, on n’est pas toujours considérés ! Des fois, on a le sentiment qu’on n’appartient pas à 100% au Maroc, que notre culture est hybride et que notre marocanité n’est pas reconnue ! Vous savez, on appartient à la culture du monde et c’est grâce à nous que la culture marocaine voyage au-delà du Maroc. On a initié plusieurs projets sérieux et c’est consternant de voir le CCME financer des projets ridicules !

Que représente finalement le caftan pour vous ? C’est une robe traditionnelle marocaine dans sa forme actuelle. C’est un vêtement international, une robe qui a toujours été internationale mais qui au fil du temps s’est préservée au Maroc, au Maghreb, alors que les autres régions ont perdu cette tradition vestimentaire. Nos artisans marocains ont beaucoup de mérite, ce sont eux qui ont préservé ce vêtement, pourtant, ils sont souvent mal payés, mal traités et on reconnait rarement leurs vraie valeur ! Il faut leur rendre hommage, il faut qu’ils aient un statut ; c’est vrai, il y a la maison de l’artisan mais il faut plus de moyens, pour qu’ils puissent se positionner sur un marché international, il faut qu’ils puissent aussi travailler pour des créateurs internationaux, pour qu’on fasse vivre cet artisanat et créer même des écoles pour transmettre cet art. Il faut soutenir les initiatives existantes au Maroc parce que c’est important pour l’économie marocaine, c’est aussi du développement durable. Un artisan doit vivre dignement de son travail !

Vos projets ? J’aimerais promouvoir les bijoux marocains, les broderies du monde, les bijoux traditionnels. Il y a un manque au niveau de l’ethnique pour tout ce qui est bijoux, robes berbères et sahraouies.



via Abdo El Rhazi Hind Joudar « Mon leitmotiv c’est faire connaître la culture orientale à travers la mode »

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