Après quatre ans d’absence, le chanteur d’origine rwandaise nous revient avec Love & Song, un album nostalgique qui a charmé le public lors du Concert pour la Tolérance à Agadir.
Vous êtes un habitué du Concert pour la Tolérance. Pensez-vous que c’est une valeur qui se perd de plus en plus en Europe avec cette montée accrue de l’extrémisme ?
Je crois que la tolérance est une notion un peu complexe. Déjà, elle a la légitimité peu importe d’où elle vient, c-à-dire, que la personne qui l’exige a souvent l’impression d’être en situation d’injustice, de manque d’acceptation et très souvent, la personne de laquelle elle l’exige se sent un peu de la même façon ! On exige de la tolérance de gens qui en demandent eux aussi et c’est peut être ça qui doit changer aujourd’hui. Subir l’intolérance pour son ethnie, sa religion, ses croyances,… est très violent, mais je pense que c’est aussi violent que de diaboliser celui de qui on ne sent pas toléré. D’ailleurs, ce discours polarisant est véhiculé dans les médias et en politique avec les groupes d’extrême droite qui montent partout dans le monde et qui ne savent pas la conciliation. Je pense qu’à un moment donné, il faut se dire qu’on veut un réel vivre ensemble, il va falloir qu’on se parle, qu’on ait un dialogue. Or, il n’y a rien dans le discours politique actuel qui mène au dialogue ! Tout est polarisant, tout est polarisé !
Après votre dernier album en 2013, vous sortez un nouvel opus « Love and song » qui regroupe des reprises de chansons phares des années 80 et 90. Pourquoi ce choix ?
Parce que j’étais arrivé à un niveau dans ma carrière où j’avais envie de faire plaisir à l’interprète que je suis. J’ai toujours écrit et composé toutes mes chansons, tous mes albums et j’avais envie de faire plaisir au chanteur que je suis, ne penser à rien d’autre qu’à interpréter et à chanter. C’est un peu mon album karaoké. Je suis dans le kif de chanter des chansons que j’ai aimé et que je pense beaucoup de gens ont aimé et aiment toujours.
C’est aussi un bel hommage aux femmes qui ont compté pour vous ?
Oui, parce que c’est un album qui existe grâce à des femmes, une en particulier, qui est ma petite fille à qui je chantais ces chansons pour l’endormir ; et puis, c’est en lui chantant ces chansons-là que je me suis rendu compte à quel point j’aimais les chanter. J’ai redécouvert le plaisir de chanter en la berçant de ces grands titres, de ces mélodies qui n’ont pas pris une ride, et qui se chantent aussi bien aujourd’hui. Puis, c’est aussi un album qui parle d’amour, il n’y a rien d’autre qui vaille la peine d’être écouté !
Comme le célèbre titre “I wanna dance with somebody” de Withney Huston.
Oui, c’est vraiment de la pure nostalgie, il fait partie de mes premiers coups de cœur pour une chanteuse que je trouvais canon à la télé quand j’étais gamin !
Des rythmes un peu gais, ce sont des registres où on ne vous attend pas forcément ?
Je ne sais pas, mais le fait que ça soit en anglais, c’est surprenant mais en même temps, c’est ma culture musicale, je vis dans un pays à moitié anglophone, au Canada, pour moi, c’est naturel de chanter en anglais mais je comprends que ça puisse surprendre. Mais c’est aussi cela, une carrière d’artiste, il faut savoir surprendre.
Qu’avez-vous retenu de votre expérience de « Danse avec les Stars » ?
Ça a été une très belle expérience, si c’était à refaire, je le referais sans hésitation. J’ai appris énormément sur moi-même, je me suis challengé et je pense que j’ai peut être montré une des facettes de moi que le public ignorait encore, j’ai fait des trucs que je n’ai jamais fait ailleurs, et que je ne referais plus jamais (rires), comme danser du Fox trot, …
Vous êtes aussi parrain de « Kids United ». Pourquoi ce groupe en particulier ?
Parce que ce sont des gamins talentueux qui chantent hyper bien, et au-delà du fait que j’étais ambassadeur de l’UNICEF dans le passé, j’ai eu un coup de cœur pour eux. Il y a le talent et il y a cette honnêteté, cette espèce de pureté quand l’enfant chante. C’est un chant avec une intériorité beaucoup plus pure, plus saine que la mienne et c’est juste de l’or !
Vous avez également sorti une autobiographie « Quand le soleil disparaît », c’était important pour vous de vous livrer ?
Oui, c’était important pour moi de me servir d’une autre voie que la chanson, mettre les pendules à l’heure, expliquer certaines choses et clarifier certains malentendus sur moi. Et en faisant cela, me découvrir une nouvelle passion qui est l’écriture, que j’ignorais qui m’a donné l’envie d’en écrire d’autres après.
Il n’y a rien dans le discours politique actuel qui mène au dialogue
Quel genre de chansons écoutez-vous ?
Pour ce qui actuel, je reste dans le R’n’B, le Hip Hop, la musique black, …mais, de manière plus générale et plus constante, j’écoute beaucoup de musique classique, de jazz et de musique Big Band des années 50.
Vous avez une idée sur la musique marocaine ?
Je connais un peu les grands noms, genre Khaled, …mais en fait, je me suis rendu compte que je ne connaissais pas la nouvelle musique marocaine, urbaine et underground. J’ai réalisé que la jeunesse marocaine était au grand désarroi des anciens mais qui est très américanisée, comme tout le monde, …le son est peut être occidentalisé mais la langue reste, ça donne des mélanges hyper intéressants.
Vous écrivez, vous composez et vous chanter. Quelle est la discipline qui vous ressemble le plus ?
L’écriture, parce que je suis un être fondamentalement casanier, et c’est la seule chose qui me permet d’être seul dans ma bulle. J’ai besoin de beaucoup de mots pour m’exprimer, je parle beaucoup mais je en suis un bon sniper, je n’ai pas le sens du résumé, d’une phrase bien tiraillée, je ne sais pas faire…
Etre chanteur pour vous, ça signifie quoi ?
C’est une autre façon de s’exprimer, c’est une façon beaucoup plus abstraite pour s’exprimer, un contact avec les gens que je n’arrive pas comprendre ! Vous savez, quand je chante, j’arrive à toucher le cœur des gens et leur accueil me touche en retour et ça crée des liens assez particuliers. En lisant un poème ou des extraits d’un livre, on n’arrive pas au même type d’émotions, alors que le chant, la voix, ça porte quelque chose qui va droit au cœur et qui m’intrigue encore !
Des projets ?
J’y vais un projet à la fois. Donc, à court terme, il y a ce nouvel album et puis, je commence à me pencher sur un roman, tranquillement.
via Abdo El Rhazi Corneille : « La Tolérance est une notion complexe ! »
No comments:
Post a Comment