Ghitha Triki, responsable du pôle Art & Culture de la Fondation Attijariwafa bank nous parle de l’exposition inédite organisée en hommage au précurseur de l’abstraction lyrique et gestuelle Jilali Gharbaoui « L’envol des racines » au Musée Mohammed VI de Rabat. Une exposition qui donne à voir un ensemble exceptionnel d’œuvres, jusque-là conservées dans les réserves de la Fondation et jamais réunies en une institution muséale. (Jusqu’au 15 décembre 2020).
C’est la première fois que Jilali Gharbaoui fait l’objet d’une exposition dans une institution muséale publique exclusivement dédiée à l’art moderne et contemporain au Maroc. La Fondation Attijariwafa bank a prêté plusieurs œuvres de l’artiste pour cette exposition. Parlez-nous un peu de cette collection et comment s’est fait le choix des tableaux exposés ?
L’exposition réunit près de 70 œuvres majeures de l’artiste sur l’ensemble de sa courte carrière entre 1953 et 1971 dont deux tiers proviennent de la collection Al Mada et un tiers de la collection Attijariwafa bank. Il tenait à cœur à la FNM (Fondation Nationale des Musées) comme aux deux Fondations Al Mada et Attijariwafa bank d’être partie prenante de cette exposition qui permettait de donner à voir un ensemble exceptionnel d’œuvres, jusque-là conservées dans les réserves et jamais réunies en une institution muséale.
Très complémentaires, les deux collections ont offert la possibilité de suivre pas à pas les étapes du parcours artistique et biographique de l’artiste. Ces étapes sont connues dans leurs grandes lignes, avec des œuvres signées, datées et parfois titrées, c’est donc naturellement que le parcours de l’exposition s’est fait, suivant ces grandes lignes.
Quelle place occupe Jilali Gharbaoui dans la collection de la Fondation Attijariwafa bank ?
A la mort tragique de l’artiste en 1971, Abdelaziz Alami, le regretté président de la BCM avait fait le serment de se « consacrer à faire acheter, par lots entiers, des toiles de jeunes peintres marocains, de sorte que serait écarté à jamais le risque de voir un autre Jilali Gharbaoui mourir sur un banc public au milieu d’une foule indifférente. » C’est ainsi que ce banquier, qui était un grand mécène et aussi un poète, avait initié au Maroc, la notion de collection dans une institution, et laissé en héritage au groupe Attijariwafa bank, celle de la Banque Commerciale du Maroc.
Les œuvres de Jilali Gharbaoui furent acquises à la suite de la succession du collectionneur et mécène de l’artiste, feu Abderrahmane Serghini, aux alentours de 1991/1992. Grâce au mécénat conjugué de la Fondation ONA et de la BCM à ce moment-là, les peintures les plus marquantes du fulgurant parcours de l’artiste furent ainsi sauvées par les deux institutions. Le groupe Attijariwafa bank est donc dépositaire d’un legs inestimable, étayé au fur et à mesure par nombre d’autres figures emblématiques de l’art au Maroc.
Comment avez-vous pensé le parcours en 4 étapes de l’exposition ?
L’exposition a été pensée autour d’un parcours chrono-thématique, soit une alternance entre les périodes directrices de l’artiste et des inclusions d’œuvres fortes pour ponctuer la visite. Il s’agissait tout simplement d’emmener le visiteur au plus près de son « voyage artistique » entre Rabat, Toumliline, Paris, Rome et Amsterdam, ses principaux lieux de vie et d’inspiration. Découpée en quatre phases principales, l’exposition dévoile les périodes les plus fertiles de l’artiste, des premières peintures abstraites en 1953 aux dernières peintures rageuses exécutées en 1971.
Le parcours est ponctué de documents audiovisuels, photographies illustrant des moments clés. La fameuse série dite « L’envol des cigognes » réalisée depuis son observatoire des jardins du Chellah et depuis l’ancien monastère de Toumliline, ainsi que les très beaux et rares paysages figuratifs de la vallée d’Azrou, ont un espace dédié entre les murs de l’exposition. Le parcours est ains découpé :
- 1953-1958: De sa formation en France à son court séjour en Italie avec les premiers tableaux gestuels non figuratifs.
- 1958-1963 : Participation aux Biennales, fréquentation de l’Ecole de Paris, rencontre amoureuse avec Thérèse Boersma, découverte et séjour au monastère de Toumliline dans le Moyen-Atlas, retour d’Amsterdam et influence de Karel Appel.
- 1963-1969: fréquents allers et retours entre le Maroc et l’Europe, fermeture du monastère qui affecte particulièrement l’artiste, vente de son fonds d’atelier à M. Serghini.
- 1969-1971: Espoirs de l’exposition rétrospective proposée par Pierre Gaudibert au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, allers et retours entre le Maroc et la France, solitude puis décès à Paris.
En cette période de crise sanitaire, pensez-vous que l’on s’oriente de plus en plus vers la numérisation de l’art dans le monde ? Et avez-vous des projets dans ce sens ?
Même si elle ne remplace pas le contact physique et sensoriel avec la matière, la numérisation des collections d’art est essentielle pour préserver leur mémoire à transmettre aux générations futures. Il est toutefois important qu’elle s’accompagne de médiation car le bien artistique doit être consommé avec tout le bagage qui l’accompagne. Nous sommes en train de réfléchir dans ce sens, suivant un des piliers de la Fondation Attijariwafa bank, qui vise la démocratisation de l’accès à l’art au profit du plus grand nombre.
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