Thursday, May 25, 2017

Le chaînon manquant

Ahmed Charaï

La manière de gérer les protestations d’El Hoceima, qui laisse énormément à désirer, a mis en lumière de manière éclatante, la faillite des intermédiaires. Les atermoiements de l’exécutif ainsi que la frilosité des partis, voire leurs contradictions, sont la preuve de leur incapacité à encadrer les populations. Car, rappelons-le, malgré la légitimité d’une partie des revendications de la population rifaine, cette région n’est pas l’oubliée des investissements publics et ces mêmes revendications pourraient être dupliquées par la majorité des régions du Maroc, qui ont besoin de plus de services publics, d’opportunités d’emploi et de filets sociaux. Au-delà de l’affaire d’El Hoceima, les partis politiques se donnent en spectacle, de la manière la plus ridicule possible. Qu’un chef de parti refuse d’exécuter un jugement, concernant le syndicat- maison, qu’il en vienne aux mains avec les forces de l’ordre, qu’il mette en cause nommément des institutions dans ses difficultés partisanes est révélateur du niveau de celui qui a dirigé cette formation politique pendant cinq ans. Le parti de Driss Lachgar, quant à lui, a besoin de retrouver son lustre, par une rénovation de son corps, de son organisation, ce que l’actuel premier secrétaire ne peut réussir qu’en s’appuyant sur tous les cadres historiques du parti. Les conflits au sein du PJD, hyper personnalisés, alors qu’ils sont d’essence politique, laissent planer le doute sur la capacité de ce parti à rester uni, en dehors de l’allégeance à un « Zaïm ». Le fait que les élus locaux ou parlementaires ne jouent aucun rôle dans la plupart des provinces marocaines, alors qu’ils sont censés être la voix de la population et le fait qu’ils soient rejetés par les manifestants est le reflet du manque de représentativité réelle. Celle-ci n’est pas simplement fonction du vote, elle a besoin d’un véritable enracinement partisan, d’une relation continue, d’un encadrement des populations. C’est l’esprit même du rôle que la constitution assigne aux partis politiques. Or, il n’y a pas une seule crise où les élus et les partis ont joué un rôle d’intermédiation, aboutissant à une solution raisonnable. Le danger est que chaque fois, manifestants et sécuritaires se retrouvent face à face et il faut un grand self-control pour éviter les dérapages. On ne le répétera jamais assez, la construction démocratique a besoin de partis forts, réellement implantés, aux discours identifiables, d’élus ancrés dans leur fief, non pas par l’usage de l’argent, mais par leur lien avec les populations. Nous avons besoin de partis capables d’assumer leur rôle et non pas de formations politiques qui s’abritent derrière le populisme ou le silence, à chaque crise. C’est parce qu’ils ont failli que d’autres formes d’organisation prospèrent. Il est de la responsabilité de leurs militants de changer leurs modes de fonctionnement.



via Abdo El Rhazi Le chaînon manquant

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