Il est clair que Abdelilah Benkirane peine à vivre et à se mouvoir en dehors de l’Institution du chef du gouvernement. Et c’est tout à fait humain. Tous les hauts responsables et les grands commis de l’Etat, les ministres et les chefs de gouvernement connaissent, après leur débarquement, le syndrome post traumatique sous forme de dépression ou de déprime qui s’ensuit. Les plus émotifs, comme l’actuel président de la Cour des comptes, Driss Jettou, qui a versé quelques larmes au moment de quitter la primature, le montrent.
J’ai vécu une phase similaire avec Mhammed Boucetta quand il quitta en 1985 les Affaires étrangères pour retrouver pleinement son poste et son rôle de secrétaire général de l’Istiqlal et renouer avec les militants et les visites des sections. Il n’avait plus goût à rien. Mais généralement on se rétabli plus ou moins vite. Selon le caractère de chacun. Abdelilah Benkirane n’échappe pas à cette règle. Sa piété supposée, je dis supposée parce que je ne suis pas Dieu pour juger, et sa religiosité affichée devraient normalement le mettre à l’abri des effets de manque que crée le sevrage des honneurs et des apparats du pouvoir. Ce qui reste à prouver. Autrement il ne serait pas l’homme en chair et en os qu’il est, mais l’ange qu’il aurait aimé incarner.
Un moment il s’est isolé. A commencé à bouder les réunions du secrétariat général de son parti dont officiellement il est encore le patron. Il est allé aussi au petit pèlerinage, la Omra, se refaire une santé religieuse et faire son plein de foi. Pour un islamiste, il n’y a pas mieux pour se requinquer. Puis, petit à petit, comme l’oiseau de l’adage, il a entamé son retour. Une apparition par-ci, une déclaration par-là, une insinuation au passage. Son message s’adresse, entre autres, aux conseillers du Roi. En creux il les implique dans ses malheurs.
Dans ses propos on déchiffre une note d’amertume. Contre les siens d’abord. Une autre manière de dire : Dieu préserve-moi de mes amis, quand à mes ennemis…
Entre les lignes on sent le goût de la déloyauté. Ne sait-il pas qu’en politique loyauté et trahison ne sont que le revers l’un de l’autre. Un jour, promet-t-il, il parlera. Traduction : Je
suis encore là, et bien mieux, il se peut que je reste. D’ailleurs personne ne lui a demandé de partir. Certains de ses amis n’en pensent pas moins probablement, mais de là à le pousser clairement vers la sortie, ils savent pertinemment que c’est la meilleure façon de se le farcir pour un troisième mandat. D’ailleurs c’est la voie qu’il semble vouloir emprunter quitte à modifier les statuts de son parti, pratique courante des organisations politiques bananières très courantes dans le paysage partisan marocain où le PJD, sur ce point, faisait exception. Mais la banalisation est un mal qui guette tout le monde. Et rien n’indique que Abdelilah Benkirane n’a plus d’avenir. Dans sa tête il se projette même en homme providentiel.
via Abdo El Rhazi Libre cours
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