Par Shahram Golestaneh
Quarante ans après la révolution antimonarchique de 1979, la société iranienne est traversée par une vague de manifestations inédite. Le processus d’appauvrissement de la population a radicalisé le mouvement pour le changement en Iran, où la distance entre les classes sociales se transforme progressivement en un gouffre.
Plus que la justice sociale pour les classes démunies ou les couches moyennes en voie de paupérisation, la population veut se débarrasser d’un régime dont les dirigeants s’approprient la part de lion de la rente pétrolière. L’enrichissement disproportionné de l’élite du régime et la dilapidation des richesses du pays ont causé des « révoltes de la misère » sans précédent en 2018. Les pressions des États-Unis après leur sortie de l’accord de Vienne sur le nucléaire de 2015 a été une autre cause de pression sur un régime qui perd progressivement pied.
Face au désastre créé par Ali Khamenei, le Guide suprême des mollahs, le peuple semble être décidé à secouer le joug d’un système où 70 % du budget de l’État va aux fondations religieuses, aux Gardiens de la révolution (Pasdaran) ou à d’autres organismes opaques.
Le régime qui cherche à étendre sa version intégriste de l’islam, mène une politique dispendieuse de déstabilisation et d’ingérences dans les pays voisins, notamment en soutenant des groupes et des pouvoirs extrémistes en Irak, au Liban, en Syrie, au Yémen et en Afghanistan. Les programmes nucléaires et balistiques menés à coup de milliards de dollars, contribuant davantage à l’hémorragie économique du pays.
La délégitimation du régime
La majeure partie des protestations en 2018 ont été menées par les classes moyennes, notamment les étudiants, mais aussi par les couches appauvries qui ont été à l’origine des révoltes qui ont vu le jour dans au moins 160 villes du pays.
Alors que les mouvements de protestations des deux dernières décennies se déroulaient surtout à Téhéran et dans quelques grandes villes, ceux de l’an dernier ont touché une vaste panoplie de villes où l’on a protesté contre la vie chère et l’absence des libertés.
L’un des facteurs de l’extension rapide du mouvement a été la délégitimation du régime : le spectacle de la prévarication et l’impunité de ses dirigeants, dont le spectacle de la vénalité a été exposé sur la Toile, a contribué à l’effritement de la base du régime.
La corruption de l’appareil d’État est atteint dans sa totalité et les responsables corrompus jouent carte sur table dans une économie où l’on ne peut plus vivre décemment avec un salaire ou même deux et où les dessous-de-table sont nécessaires pour la survie des plus modestes. Le régime n’a ainsi plus de légitimité.
La culture dominante en Iran est pour la remise en cause du principe du « Guide suprême islamique ». Mais le pouvoir théocratique n’en a cure, ayant la rente pétrolière en main et les ressorts de sa capacité de répression aux mains du guide suprême. Les nombreuses organisations relevant du Guide suprême bénéficient d’un statut spécial qui bloque toute réforme dans un régime qui est par nature irréformable.
C’est la raison pour laquelle les Iraniens aspirent à un système démocratique mû par les intérêts de la nation plutôt que les visées idéologiques du Guide suprême religieux. C’est ce message que voulait faire entendre la diaspora iranienne dans sa manifestation du 8 février à Paris. Quarante ans après l’instauration de la théocratie en Iran, les démocrates iraniens restent convaincus que le changement de régime pour et par le peuple iranien est la seule option envisageable.
* Shahram Golestaneh est le président de l’association de l’Iran Démocratique, basé à Ottawa
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via Abdo El Rhazi Iran : un régime en fin de course
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