L’Afrique accuse un important retard sur le reste du monde sur le plan économique. On en veut pour preuve le doublement de sa dette au cours des 5 dernières années, totalisant 57% du PIB, un taux de chômage des jeunes de 60%, la persistance des inégalités sociales, sa croissance peu inclusive… La liste est longue. Et la conjoncture économique mondiale n’est pas plus reluisante: d’avril dernier à aujourd’hui, le Fonds monétaire internationale a baissé ses prévisions de 3,9% de croissance mondiale à environ 3,5%.
2019 s’annonce donc comme une année déterminante, en particulier pour l’Afrique. Alors, quels sont les défis à relever pour les pays africains? Comment répondre présent sur la scène internationale? Pour répondre à ces questions, la Fondation Attijariwafa bank a organisé, jeudi 31 janvier à Casablanca, une conférence-débat intitulée « Le Monde, l’Afrique, le Maroc: quelles perspectives pour 2019? ». S’inscrivant dans le cadre du cycle de conférences « Échanger pour mieux comprendre » de la Fondation, la rencontre a été animée par Fréderic Louat, directeur du cabinet Riser Maghreb, Abdou Diop, Managing partner du cabinet Mazars, et El Mehdi Fakir, économiste et Senior consultant en stratégie et management du risque.
Un niveau de confiance au plus bas
Pour Louat, l’heure est au pessimisme. Le premier intervenant soutient, en effet, que la croissance mondiale est en train de décélérer: « Les risques à la baisse sont plus importants que les risques à la hausse. De plus, certains risques identifiés il y a 9 mois, se sont matérialisés aujourd’hui pour devenir des tendances ». L’économie mondiale est aujourd’hui confrontée à des risques majeurs tels que le protectionnisme qui gagne du terrain, les incertitudes géopolitiques (Brexit, tensions sociales, etc.), et la montée du populisme. Néanmoins, l’expert en gestion de risque souligne que cette dernière menace pourrait, paradoxalement, être bénéfique à la conjoncture, car elle peut engendrer une relance budgétaire, sous la pression populaire.
Par ailleurs, reconnaissant qu’aujourd’hui, le pire n’est pas certain, Louat a insisté que la seule incertitude impacte la confiance. Et de trancher: « Le niveau de confiance est au plus bas ».
« Dans chaque risque, il y a des opportunités »
Abdou Diop n’est pas du même avis, montrant plutôt de l’optimisme, non seulement pour les perspectives mondiales, mais également régionales. L’auditeur est catégorique: l’Afrique est devenue plus mature, et ce, sur plusieurs plans. En matière de gouvernance, l’on constate une évolution positive confirmée par les résultats des dernières élections, notamment à Madagascar et en République démocratique du Congo (RDC), sans oublier les chutes de Robert Mugabe et de Jacob Zuma en Afrique australe. Et cette évolution pourrait se confirmer davantage avec les élections prévues en 2019 dans certains pays (Sénégal et Nigeria).
A juste titre, le dernier classement Doing Business de la Banque mondiale note une amélioration de l’environnement des affaires de plusieurs pays africains, notamment grâce aux réformes engagées en faveur d’une meilleure gouvernance.
Toujours sur le plan économique, cet optimisme est justifié par la reprise des cours des matières premières qui devrait à son tour conduire à une reprise économique. De plus, certains pays comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal, la Tunisie vivent une relance de leur économie, tandis que d’autres sont désormais reconnus comme des champions de la croissance (Ethiopie, Maroc, Rwanda…). Et niveau projets d’envergure, le continent se réveille: gazoduc Maroc-Nigéria, Desert to power, ZLECA (Zone de libre-échange continentale africaine), etc.
« Dans chaque risque, il y a des opportunités », a continué Diop. Avec le Brexit, l’on constate, en effet, une certaine évolution de l’intérêt anglais pour l’Afrique. La récente tournée africaine de la Première ministre britannique Theresa May en témoigne. L’augmentation du prix du pétrole, aussi, pourrait être une aubaine pour les producteurs pétrolier africains.
Enfin, une autre raison d’être optimiste pour l’Afrique en 2019: la réduction du nombres de guerres et de conflits tribaux sur le continent.
Penser régional pour une ZLEC forte et durable
Alors que faire pour consolider ces tendances positives pour notre continent? Diop a identifié trois aspects déterminants pour y parvenir. En premier lieu, il faut investir dans la jeunesse africaine afin qu’elle devienne « un vrai dividende économique », capable de faire face aux grands défis de l’immigration et la montée du radicalisme.
Second aspect: l’éducation. A ce niveau, certains pays montrent déjà l’exemple à travers des lycées d’excellence et autres. « Les pays qui n’auront pas compris qu’il faut investir sur la jeunesse vont la voir leur exploser à la figure », a mis en garde l’expert.
Le dernier aspect concerne l’intégration régionale. En effet, Diop a insisté: « Nous ne pouvons pas avoir 10 hubs dans le continent. Nous devons raisonner régional. Chaque région doit se spécialiser dans des secteurs particuliers (logistique, finances, etc.). Ainsi, nous pourront entrer parfaitement armés dans la Zone de Libre Echange Continentale ».
Réinventer les modèles de développement
De son côté, Fakir a rappelé la nécessité pour l’Afrique et le Maroc de prendre en considération les aspirations des citoyens et de définir des modèles de développement inclusifs. « L’Afrique est en train de payer cher sa politique qui a omis le facteur sociétal. Les vrais défis pour le continent, y compris le Maroc, sont la répartition de la richesse et l’éducation », a précisé l’économiste. Pour lui, les décideurs africains doivent « être à l’écoute des aspirations de leurs citoyens et imaginer des modèles de développement basés sur l’inclusion sociale et la répartition équitable des richesses produites».
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via Abdo El Rhazi Les grands défis de l’Afrique de 2019
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