Sujet de discorde entre les parents d’élèves en rogne et les écoles privées intransigeantes, le payement des frais de scolarité revient au devant de la scène en ce début d’année scolaire.
Par Hayat Kamal Idrissi
Objet d’un véritable bras de fer, en juin dernier, entre les parents éprouvés par la crise économique liée au Covid-19 et certaines écoles privées, le débat à propos des frais de scolarité refait surface.
Service à moitié
« Un service à moitié mérite des frais à moitié. C’est dans la logique des choses. Nous ne comprenons pas qu’ils n’appliquent pas des réductions comme c’est le cas pour certaines écoles », s’insurge Tarik El Adaoui, père de deux enfants suivant leurs études dans une école sur Driss 1er à Casablanca. La direction de cette dernière vient de lui envoyer un message réclamant de régler la totalité des mensualités alors que ses enfants suivent leurs cours à distance, comme tous les élèves de Casablanca.
« Les écoles privées n’ont pas le droit de réclamer le payement de la totalité des frais de scolarité lorsque les cours sont dispensés à distance. Le Dahir formant Code des obligations et contrats est clair. Il stipule qu’on ne paye que ce qu’on a eu que ça soit un service, un bien ou un produit. L’enseignement à distance ce n’est pas du tout celui en présentiel. Du coup ça ne devrait pas engager les mêmes frais », tranche Ahmed Bayoud, président de l’association « Avec le consommateur ».
Ce dernier affirme que même si la loi 104.12 garantit la liberté des prix et de la concurrence, « Ca ne donne pas aux écoles le droit de pratiquer des tarifs et des prix qui ne sont pas adaptés aux services proposés », insiste le défenseur des droits des consommateurs. La qualité des services, un point crucial pour beaucoup de parents nullement satisfaits des prestations à distance des écoles de leurs enfants.
« C’est la scolarité de nos enfants qui est en jeu. Finalement, nous assurons personnellement leur enseignement. Les cours à distance sont lamentablement insuffisants », s’emporte Nadia Bouidar , mère de deux élèves en 6ème et en 4ème année primaires. « Comment ça se peut que l’on prétend administrer un enseignement en bonne et due forme lorsque les cours dispensés normalement pendant 6 à 7 heures par jour, sont réduits à 2 ou 3 heures maximum », argumente-t-elle.
Et rebelote
« Le pire c’est qu’après toutes les négociations de l’année scolaire dernière, l’école ne nous a fait aucune réduction. Et cette année encore, elle recommence et ne cesse de nous harceler à nouveau en réclamant la totalité des frais ; alors que d’autres écoles ont fait une réduction de 30 à 40% sur les mensualités », s’insurge Badiâ Mortada, mère d’une fille en 8ème collège.
Des parents en colère qui se sentent impuissants et piégés car craignant de compromettre la scolarité de leurs enfants. Quel recours dans ce cas ? « Il y a un seul recours : Aller au tribunal et réclamer ses droits ! D’ailleurs plusieurs affaires du genre sont arrivées aux tribunaux à Tanger, à Casablanca, à Marrakech en donnant raison aux parents plaignants. Il suffit que les consommateurs sachent qu’ils ont des droits pour activer les lois les protégeant. Le vrai problème c’est que les citoyens sont inconscients que la loi 31.08 les protège en tant que consommateurs », insiste Ahmed Bayoud.
Pour ce dernier, c’est le seul moyen de réclamer une réduction des mensualités et leur alignement avec les prestations offertes puisque le ministère de l’Education nationale s’en lave complètement les mains.
Parents abandonnés
Rappelons que Said Amzazi, ministre de l’éducation nationale a annoncé aupravant, devant la Commission de l’Enseignement au Parlement, l’impossibilité d’intervenir dans le bras de fer opposant les écoles privées aux parents d’élèves. « La loi 06.00 garantit l’indépendance de ces établissements », argumente-t-il en appelant à « ne pas détruire ce secteur constitué à 80% de très petites et moyennes entreprises » ! Un argumentaire qui a mis en rogne les défenseurs des consommateurs et des parents d’élèves se sentant abandonnés par la tutelle.
Pour le président de « Avec le consommateur », les parents d’élèves sont également abandonnés par le Conseil de la concurrence. « Pourquoi le conseil n’intervient pas dans cette affaire opposant les parents aux écoles trop avides de gain ? », s’interroge Bayoud. D’après ce dernier, cette institution constitutionnelle autonome jouit des droits de rapport, d’enquête, de plaidoyer mais surtout d’auto-saisine. « Ce qui lui permet d’intervenir sans besoin d’être interpelée par une partie ou l’autre. Et pourtant aucune action n’a été entreprise pour protéger les intérêts de élèves et de leurs parents », conclut Bayoud. Affaire à suivre si toutefois les écoles restent fermées et l’enseignement à distance est toujours maintenu.
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