La justice a rétabli l’ordre des choses à Béni-Mellal. Les victimes ont été relâchées, les agresseurs condamnés, ce qui est juste et devrait correspondre au droit. Mais, cette affaire nous interpelle à plusieurs titres. D’abord parce qu’elle fait partie d’une longue série d’actes où des énergumènes pensent pouvoir faire justice eux-mêmes. Ce phénomène est d’une dangerosité sans pareil. C’est tout simplement la négation de l’Etat de droit, la barbarie collective supplantant le procès équitable, au nom d’une conception de la morale et surtout d’une excitation momentanée. A Béni-Mellal, un pas a été franchi, puisque les victimes étaient dans leur domicile, espace privé et qu’il n’y a même pas l’excuse, fallacieuse, d’une atteinte à la pudeur. En droit, comme dans la morale populaire, les domiciles privés sont sanctuarisés. Les assaillants ne sont que des délinquants et ne peuvent se parer de la moindre valeur. Il faut donc un discours et des actes clairs. Seules les autorités judiciaires ont le devoir de faire respecter les lois en vigueur. Tout individu, tout groupe qui tenterait de s’y substituer, serait hors la loi et sanctionné comme tel. C’est le seul moyen de rétablir l’Etat de droit en tous lieux. Par ailleurs, la constitution marocaine ouvre des perspectives législatives qui permettraient une avancée sérieuse contre l’homophobie ambiante. La protection des minorités y est inscrite. C’est au parlement de se saisir de la question, pour légiférer, sans heurter frontalement la société, mais en tenant compte des réalités et des droits des uns et des autres. Une telle attitude honorerait les législateurs. Le rôle des politiques n’est pas de suivre les secteurs les plus rétrogrades de la population, mais de proposer un cap par le biais de réformes. Cela se fait dans la sérénité, le dialogue et réclame beaucoup de pédagogie. Chez nous, sur les questions sociétales, les partis politiques sont tétanisés. L’instrumentalisation de la religion dans la sphère publique agit comme un repoussoir. La défense des libertés individuelles, au delà des slogans, ne trouve aucune traduction dans les faits. Pourtant, ces libertés existent et sont assumées par les citoyens et ce en nombre. Il en va ainsi des relations hors mariage, de la consommation d’alcool, des jeux du hasard, etc. L’hypocrisie actuelle consiste à les tolérer, tout en maintenant l’interdiction formelle. C’est cette contradiction qui ouvre une brèche où s’engouffre le phénomène de l’auto-justice, et cela doit cesser. Ce travail législatif ne peut être indéfiniment reporté, si l’Etat de droit est un véritable objectif. En attendant, les dérapages de la foule doivent être sanctionnés d’une main de fer. Ce n’est pas toujours le cas et c’est dangereux. Toute compréhension, mansuétude, vis-à-vis d’actes de lynchage est une contribution à l’affaiblissement de l’Etat de droit, qui nous protège tous.
via Abdo El Rhazi Des leçons à tirer
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