Nés à L’Boulevard (2011), puis révélés à « Visa for Music », le groupe ayant flirté à ses débuts avec le rap-métal touche désormais un public avide de nouveaux sons grâce à sa musique mixant à la fois rock, électro et word music et des textes engagés en darija et arabe classique.
Walid Benslim & Wisad Broco : Après votre triomphe au Jazzablanca, vous vous produisez pour la 1ère fois au festival Gnaoua d’Essaouira, ça vous fait quoi d’investir de plus en plus les grandes scènes marocaines ? C’est magique, on est super heureux et fiers de notre prestation à Casa et surtout de nous retrouver à Essaouira. On adore cette ville, elle est paisible et apaisante, on adore les gens, les couleurs, son air marin et frais.
Tout d’abord, que veut dire N3rdistan ? C’est une contraction de mots : « istan » veut dire dans la culture numérique : tout ce qui adore les sciences électroniques, les nouvelles technologies, et pour nous, c’était un clin d’œil à la génération que nous sommes qui s’exile dans le numérique plutôt que dans la vie réelle. Le mot « Nerd », en arabe classique veut dire : le dé, en référence à l’aléatoire.
Comment s’est formé le groupe au début ? Walid et moi, on se connait artistiquement et humainement depuis l’adolescence, puis, après son retour de ses voyages, il est revenu chargé de beaucoup de mélodies, puis, il a fait la rencontre de Benjamin Cucciarra (multi-instrumentiste). Cyril Cannerie (batterie), on le connait depuis un bon moment à Perpignan ; et tout ce monde est venu explorer ses horizons, et ses influences, chacun a amené sa touche.
La rencontre avec Benjamin Cucciarra était déterminante pour vous ? Au départ, on voulait faire de l’acoustique, mais le côté électronique nous rattrapait toujours, et quand on a commencé à composer en électronique, on a vu rapidement le mariage qu’on pouvait faire entre les 2 cultures, notamment avec les musiques traditionnelles…On a créé des morceaux, certains textes de poésie s’imposaient à nous et imposaient naturellement leur rythmique, du coup, c’est devenu mélodique.
D’où vous vient cet amour pour l’électro et l’idée de mélanger deux styles complètement improbables (poésie, rock, électro,…) ? Ça nous vient tout naturellement, on aime l’électro même si on est passé par le rap, le métal ou le rock. En fait, c’est la musique sous-jacente à toute notre génération. C’est quelque chose qui constitue désormais notre ADN culturelle et le mélanger était juste une évidence pour nous !
Ça donne finalement une sorte de rap oriental ? Quand j’ai entendu Widad réciter par cœur le texte poétique « Sawto safir al bolbol », je me suis rendu compte que ça correspondait à la rythmique du rock et j’ai réalisé qu’un un texte du 9e siècle pouvait sonner comme du rap…Et comme le texte avait son propre flow, alors on a essayé de composer un morceau qui pouvait coller avec. Même chose pour les textes de Nizar Qabbanni ou Ahmad Matar « Tafa7a Lkayl », …Vous savez, ces grands poètes écrivaient souvent pour contester, et comme le rap est une musique de contestation, ça nous a semblé assez simple à marier avec le rap.
Votre démarche musicale est plutôt révolutionnaire ? Le rap est une musique contestataire, la musique est un mode d’expression, ce sont des textes qui nous touchent, c’est notre démarche musicale. On choisit des thèmes qui nous touchent, comme la liberté, l’amour, la cause palestinienne,… Le discours d’Ahmad Matar lorsqu’il parle d’Al Qods et demande aux gouvernements arabes de dégager, est toujours valable, nous, on ne fait que l’internationaliser en disant « tous les gouvernements du mode doivent dégager ». Aujourd’hui, on sait que le problème n’est pas que militaire, le problème réside dans les politiques menées, les peuples peuvent régler leurs problèmes sans avoir recours ni à la violence ni aux guerres…on est pour les moyens pacifiques et passionnants. On a testé la guerre mais on n’a pas encore testé la paix, c’est la seule issue possible !
A quand remonte votre passion pour la poésie arabe classique ? Lorsqu’on a lu des poèmes du 9e ou du 13 e siècle comme « likoulli chaie ida ma tamma nouqssanou », on s’est rendu compte que leur contenu était encore d’actualité, les événements sont cycliques ! Regardez ce que vivent les peuples syrien ou irakien,… les choses n’ont pas changé. Lorsque vous lisez les textes de Moutanabi, vous avez l’impression que c’est quelqu’un d’aujourd’hui qui les a écrit ; c’est pour cela qu’on adore la poésie car elle peut traverser les siècles, c’est une tentative d’utiliser la langue dans ce qu’elle a de plus beau. C’est aussi une passion qui nous a été transmise par nos parents, c’est un univers où les mots règnent en maîtres, et nous les Marocains, en tant que méditerranéens, parlons énormément avec des tournures particulières et utilisons beaucoup de proverbes dans notre langage quotidien.
Qu’est ce qui vous inspire ? Tout ce qu’on vit et qui se passe dans ce monde numérique. Avant, on pouvait avoir des influences particulières, aujourd’hui, on surfe sur internet, on passe d’un style à l’autre, d’une situation à l’autre.
Ça fait quoi d’avoir dans votre groupe la 1ère fille qui a rapé au Maroc ? Au sein de notre groupe, il n’y a pas de sexisme, on ne se pose pas de questions, Widad est une voix parmi d’autres. Widad : « lorsque j’étais ado, le rap c’était une façon pour moi de me rebeller, de contester, je voulais emprunter un autre chemin que la musique classique. Ce qui est intéressant dans le rap, c’est l’importance du mot, et basculer du rap pour aller vers la poésie, nous permet de boucler la boucle ».
Vous pensez chanter en français ou en anglais ? Il y a des choses qui nous viennent naturellement, mais on ne se fixe aucune limite. On fait des recherches sur des poésies françaises, tchèques…, quand on tombera sur la poésie qui sonnera à nos oreilles, on la fera. La 1ère des langues, c’est la musique.
Des groupes qui vous inspirent ? Widad : « je suis fan de Aita, j’adore Fatna bent Houcine, c’est un style où les mots sont importants, il y a des tournures philosophiques, il y a énormément de sagesse, ça raconte la vie, le quotidien, et je me retrouve dans ça». Walid : « j’aime Oum Keltoum, Marian Hill, Amon Tobine (éléctro) ».
Vos projets ? On va sortir un album début 2017, avec des textes de Nizar Qabbani, Ibnou Zaidoun… On a aussi des concerts en France, Hollande, Portugal, Tunisie et Algérie.
via Abdo El Rhazi N3rdistan « L’électro constitue notre ADN culturelle »
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