Par Vincent Hervouët
Depuis deux ans, la diplomatie de Donald Trump aura pris le monde entier à contre-pied… Ne voulant se priver d’aucun moyen de pression et cherchant à tout renégocier et toujours en position de force, il a répugné à tenir les engagements de ses prédécesseurs. La parole des des Etats-Unis s’en est trouvé dévaluée. Il se veut imprévisible. C’est sa définition du pouvoir : faire selon son bon plaisir. Qu’il s’agisse du statut de Jérusalem, du prix de l’acier ou des traités sur le désarmement si péniblement négociés avec les Soviétiques et qui ont été effacés d’un revers de main. Les plus déconcertés sont les alliés traditionnels des Etats-Unis, partenaires de l’Otan ou de l’Alena qui attendent sans manifester trop d’impatience le retour aux affaires des professionnels du Département d’Etat et 2024 leur parait aussi loin que l’horizon au Sahara. Les vieux ennemis intimes aussi ont été pris de court par les initiatives de la Maison Blanche, que ce soit au Kremlin, à Téhéran ou à Caracas. Mais le plus surpris par ces initiatives brouillonnes, c’est peut être Donald Trump lui-même ! Il semble qu’il n’en revienne pas de ses propres hardiesses. Le culot paie et il en reste incrédule. Le voyage que vient de faire à Washington le Premier ministre pakistanais a été l’occasion d’un véritable feu d’artifices.
Imran Khan faisait sa première visite officielle depuis son élection, il y a plus d’un an. L’an dernier, Donald Trump avait mis les pieds dans le plat et clamé très fort ce que les experts américains de la zone Afghanistan/Pakistan déplorent à voix basse depuis 2001, à savoir qu’Islamabad « abrite les terroristes que nous chassons en Afghanistan »… L’accusation ne peut être prise à la légère quand on sait que l’aide Us permet au Pakistan en faillite de garder la tête hors de l’eau. Le gouvernement pakistanais a protesté, évidemment. Mais il s’est aussi décidé à donner quelques gages à cet allié éruptif. D’où l’éclaircie observée ces derniers mois dans les palabres obscures menées avec les Talibans qui sont une créature des redoutables services secrets pakistanais dont elle ne s’est jamais tout à fait affranchie.
Cela a suffi à Donald Trump pour manifester son enthousiasme. Il a juré que le Pakistan allait « faire beaucoup pour la paix », tapant chaleureusement dans le dos de l’ancien champion de Cricket, se réjouissant d’avance de « l’énorme potentiel » des relations bilatérales. Donald Trump réinvente le monde au fur et à mesure qu’il le découvre. A chaque fois, avec beaucoup de superlatifs.
Pour l’instant, le seul bénéfice est que la guérilla afghane accepte de discuter avec l’émissaire américain. Les rencontres se succèdent à Doha. Mais les Talibans ne sont pas décidés à reprendre leur place à la table du conseil des ministres à Kaboul. Ils jouent la montre. Le pouvoir tombera entre leurs mains comme un fruit mur. Donald Trump veut croire aux négociations. A une percée d’ici 2020, sa réélection. Il a juré de rapatrier les boys et de mettre fin à la plus longue intervention militaire jamais menée par les Etats-Unis. La bonne volonté des Talibans ne va pas jusqu’à observer un cesser le feu ou à suspendre les attentats aveugles. Au contraire, le bilan de ces dernières semaines est particulièrement saignant. Il n’est pas question non plus d’imaginer un partage du pouvoir avec le gouvernement en place. Ashraf Ghani a pourtant été élu. Personne ne remet en cause le caractère démocratique du scrutin présidentiel. C’est même le principal bénéfice des milliers de milliards de dollars qui ont été déversés sur ce pays martyr depuis 2001. Mais il s’égosille en vain. Au cours de la conférence de presse, Donald Trump a prétendu qu’il pourrait très aisément gagner la guerre en Afghanistan mais qu’il ne voulait pas « tuer dix millions de personnes ». Nul n’ignore que l’Us Army dispose de tout un arsenal nucléaire. Etait-il besoin de menacer un peuple martyr d’ajouter encore à son malheur ? Et de fragiliser un peu plus le trône branlant d’Ashraf Ghani. La consolation de l’Afghan, c’est que Donald Trump a fait pire avec l’Inde au cours de cette conférence de presse. En affirmant que le Premier ministre indien Modi lui avait demandé de servir de médiateur avec le Pakistan sur la crise au Cachemire, il a ouvert une véritable crise à Delhi…
On prétend qu’un diplomate peut tout trahir sauf ses sentiments. Il y a du cynisme, mais une part de sagesse dans ce proverbe. Donald Trump fait le contraire. Il étale en permanence ses indignations et ses enthousiasmes. C’est une bonne politique pour rester à la une des médias en période électorale. C’est une stratégie désastreuse s’il s’agit de préserver l’avenir dans des régions aussi troublées que la zone AfPak. Les 20.000 soldats américains tués ou blessés en Afghanistan doivent se sentir trahis.
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via Abdo El Rhazi Tout trahir sauf ses sentiments
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