Les « routineuses » poussent le bouchon un peu loin ! De simples conseils de « bonnes ménagères », leurs vidéos sur Youtube s’apparentent de plus en plus à du « porno soft ». Zoom avant
Par Hayat Kamal Idrissi
La scène se passe sur une terrasse. Une dame bien en chair, en pyjama léger couvrant à peine ses rondeurs, semble absorbée par une tâche ménagère. Apparemment Oum Anwar prépare un gâteau aux cacahouètes. On devine en fait ce qu’elle fait car au lieu de filmer la dite préparation, la caméra fait, bizarrement, un focus accentué sur le postérieur de la bonne ménagère. Pire, cette dernière ne ménage aucun effort pour le dandiner à tout va ! Finalement, le spectateur a droit à 20 minutes… de postérieur saupoudré de sensualité vulgaire. Le gâteau en question ? On s’en fout !!!! Notre youtubeuse, elle, a bien compris la recette. Pour attirer les vues, le gâteau n’est pas le meilleur atout marketing pour rentabiliser sa chaîne Youtube.
La pandémie des routineuses
Dans ce cas, Oum Anwar n’est pas la seule. Elles sont légion, ces youtubeuses marocaines qui ont fait de leur corps leur seul capital. Des femmes d’âge mur et des jeunes filles qui partagent avec leurs followers, leur quotidien. Tâches ménagères, cuisine, soins ou juste des séances de « bavardage entre voisines » en ligne ; avec, en supplément des zooms accentués sur leurs « atouts physiques ». La concurrence rude sur ce terrain « chaud » donne lieu à des surenchères bien en chair. « Pour le plaisir d’internautes voyeuristes. La preuve le nombre impressionnant d’abonnés à ces chaînes au contenu douteux », analyse Hasan Baha, chercheur doctorant en sociologie de l’image.
Ce dernier note d’ailleurs l’explosion phénoménale de ce type de chaines sur youtube. « Un effet enrôleur certain qui encourage de plus en plus de youtubeuses à se lancer », ajoute-t-il. Une analyse que les chiffres confirment d’ailleurs : La vidéo du fameux gâteau aux cacahouètes a récolté 726.000 vues en quelques jours. Un véritable succès inspirant !
« Hafida Show », « Souma beauté », « Rotini yawmi avec Nouhaila », « Fati Cool », « Sarah al maghribia »… des centaines de youtubeuses qui se lancent chaque jour et redoublent « d’ingéniosité » pour attirer les vues. L’exemple de Hafida qui a récolté 203.000 vues en une semaine avec une nouvelle vidéo, laisse perplexe quant aux nouveaux critères d’influence. Des propos disloqués devant un lit défait, avec une gestuelle aux connotations pseudo-érotiques… Le « show » comme l’appelle elle-même, fait un tabac. « Les followers cherchent un modèle auquel s’identifier et avec lequel ils entrent en échange. Les réseaux sociaux leur permettent ce processus d’interaction. De leur côté, les youtubeurs accomplissent ce que leur communauté d’abonnés attendent d’eux », explique Baha.
Prostitution 2.0 ?
Hafida et ses centaines de collègues, ont-elles bien compris les besoins du consommateur ? « Sans la demande, cette offre là aurait pu pourrir et disparaitre d’elle même… Mais elle est nourrie au quotidien par des followers insatiables ! », commente Mustapha Berradi. « Voir quelqu’un qui vous ressemble, qui parle à votre manière, qui a apparemment les mêmes références socio-culturelles que vous, s’exprimer ouvertement, librement dans un espace public… est considérée finalement comme un exploit personnel, une réalisation en soi », analyse le chercheur en sociologie de l’image dans une tentative d’expliquer le grand succès de ce type de chaînes.
Pour Abdou Naji, « C’est carrément de la prostitution déguisée. Personne ne croit à cette couverture de conseils quotidiens ou de tâches ménagères et pourtant tout le monde joue le jeu », ajoute Naji. Ce dernier se demande en effet s’il n’est pas temps de réguler ce trafic. Des scènes trop suggestives avec des décolletés trop échancrés, des zooms accentués sur les postérieurs, des accoutrements trop légers, saillants et même transparents sans parler de la gestuelle vulgairement érotiques… « C’est carrément du porno soft et ça se déroule tranquillement devant les yeux de tout le monde. Vivement une régulation légale et éthique de cet espace et des limites à cette pseudo-liberté cybernétique. Les valeurs et les mœurs de toute une société sont menacées ! », s’insurge Nadia Ameziane.
Liberté d’expression, tendances à gogo et de tout genre, libre choix… Youtube, instagram et les autres sont des espaces ouverts où chacun trouve son compte. Le droit à la parole et à l’image est à la portée de tout le monde… mais est-ce que tout le monde est bien outillé pour bien digérer et analyser cette marrée phénoménale d’idées, d’images et d’influences ? A-t-on le droit de s’inquiéter quant aux retombées de cette « révolution» ou devrait-on l’intégrer telle une mutation sociale «naturelle» rentrant dans l’ordre de l’évolution des choses ? Le temps est seul capable de répondre à de tels questionnements. En attendant, suivons !
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via Abdo El Rhazi « Routini yawmi », ça vire au porno !
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