Le président de l’Association Mimouna revient sur le mémorandum d’entente signé vendredi dernier avec l’Envoyé spécial des Etats-Unis pour la surveillance et la lutte contre l’antisémitisme, Elan Carr, portant sur la lutte contre l’antisémitisme et l’islamophobie dans la région MENA. Objectif : « développer et mettre en œuvre des programmes visant à promouvoir le respect mutuel, l’appréciation, la cohabitation pacifique entre les peuples arabes et juifs et leurs pays respectifs, et entre toutes les croyances au Moyen Orient et en Afrique du Nord ». El Mehdi Boudraa se réjouit de cette reconnaissance et de l’appui américain à l’Association Mimouna qui œuvre depuis sa création en 2007 à promouvoir l’héritage juif marocain et à lutter contre toute forme d’antisémitisme au Maroc.
Entretien réalisé par kawtar Firdaous
En quoi consiste ce mémorandum d’entente ?
L’Association Mimouna a commencé à travailler avec le département américain pour la surveillance et la lutte contre l’antisémitisme depuis 2016. Ce mémorandum revient sur les différentes actions menées par l’association au Maroc, notamment le curriculum sur l’histoire des Juifs du Maroc, l’héritage juif marocain, qui vise à combattre l’islamophobie et l’antisémitisme. Cet accord va nous permettre de travailler ensemble, nous, en tant que société civile, et le département d’Etat américain pour travailler sur la région MENA, afin de dupliquer le message et le rôle précurseur du Maroc dans ce domaine, surtout au sein de l’espace éducatif, pour les questions de racisme, d’islamophobie et d’antisémitisme.
Concrètement, comment cela va se traduire sur le terrain ?
Notre plan d’action consistera à créer le premier curriculum éducatif basé sur l’expérience marocaine et les actions déjà réalisées dans le pays. On va également travailler avec d’autres associations dans la région Mena, du monde arabe sur la même thématique, pour évoquer la question de l’héritage juif dans le monde arabe, dans le but de combattre l’islamophobie et l’antisémitisme dans la région.
Nous avons déjà créé le premier curriculum sur l’holocauste dans le monde arabe, un curriculum crée par des Musulmans, pour des Musulmans. Nous avons également créé d’autres curriculums sur l’histoire des Juifs au Maroc, qui vient compléter ce que le Ministère de l’Education a fait, on a contacté des associations à travers la région MENA, en Tunisie, dans les pays du Golfe,… pour travailler ensemble et essayer de reproduire ce qu’on fait chez nous : notamment la préservation des sites juifs à travers tout le royaume,… Nous avons invité la communauté juive d’Egypte au Maroc, au festival des Andalousies à Essaouira, nous avons organisé une rencontre avec la communauté juive de Marrakech, on leur a montré comment ils préservent les cimetières, et là, ils sont en train de répliquer la même chose en Egypte.
Cet accord est avant tout une reconnaissance pour le Maroc, ça va nous ouvrir beaucoup de portes dans la région MENA, on ne va plus travailler qu’au Maroc mais dans tous les pays arabes.
Jason Guberman, directeur exécutif de la Fédération séfarade américaine (ASF), avait souligné lors d’une rencontre virtuelle que ce mémorandum d’entente représente une « nouvelle étape majeure » et met en relief « le travail vital de l’Association Mimouna pour continuer à faire du Maroc une exception dans un monde où l’intolérance est grandissante ».
Qu’en est-il du cas de l’Algérie ?
On a fait une conférence il y a deux semaines « Les Juifs d’Algérie, entre hier et aujourd’hui » avec les anciens Juifs d’Algérie, en présence de Jacques Attali, du président de l’association des Juifs algériens basé en France, et de quelques intellectuels et journalistes juifs algériens, et qui ont pu clairement percevoir la différence entre le Maroc et l’Algérie. Au Maroc, les Juifs peuvent revenir chez eux, préserver leur héritage, ce qui n’est pas le cas en Algérie, où l’héritage juif en Algérie est délaissé, où toutes les synagogues ont été reconverties en mosquées, …Les juifs algériens envient leurs compatriotes marocains et les envient d’avoir un Roi et un gouvernement qui permettent de préserver l’héritage juif. Si les juifs marocains de la 1ère, 2ème ou 3ème génération peuvent revenir chez eux au Maroc, en Algérie, ce n’est pas le cas ! Le cas du chanteur Enrico Macias est peut-être le plus criant. Il n’a pas pu revenir en Algérie, dans son pays natal, il est venu au Maroc et a donné 2 concerts de musique, à Essaouira pendant le festival des Andalousies et un autre à Marrakech. Le Maroc est devenu un pays d’adoption pour les juifs algériens ! ils viennent au Maroc, donnent des conférences, des soirées musicales, travaillent ici, ils peuvent même préserver leur héritage juif algérien au Maroc, …Aujourd’hui, il n’y a plus de juifs en Algérie et même en diaspora, il n’y a plus de juifs porteurs de la nationalité algérienne, contrairement au Maroc.
De plus, le travail de notre association a été possible parce qu’on se trouve au Maroc, nous avons pu, en tant que société civile travailler et exercer l’ensemble de nos activités pendant des années en toute liberté, on a réalisé plus de 140 activités au Maroc depuis notre création en 2007, on a fait des curriculums, … Au Maroc, il y a des écoles juives, les synagogues sont ouvertes, restaurées par le gouvernement, à l’initiative de SM Mohammed VI, 167 cimetières juifs qui ont été restaurés grâce à SM Mohammed VI, il y a même un cimetière juif au Cap Vert qui a été restauré car il y avait des juifs marocains qui y étaient enterrés.
Le Maroc véhicule un message de paix, il est fier de son identité plurielle et voit dans la diversité une opportunité pour construire un Maroc meilleur. Contrairement à l’Algérie qui voit dans la diversité un danger. Nous avons une perception différente de la diversité !
L’histoire de la communauté juive va désormais être enseignée dans les écoles dès le primaire. Qu’en pensez-vous ?
C’est bien, il y a une génération nostalgique et une nouvelle génération qui ne connait malheureusement rien sur le judaïsme marocain. Cette initiative va permettre d’enlever ce gap entre l’ancienne et la nouvelle génération, cette dernière va enfin comprendre la diversité du Maroc et sa composante juive qui est très importante. C’est très important pour les jeunes d’aujourd’hui de voir que le Maroc peut être à la fois, musulman, juif, africain, Amazigh, arabe… c’est le Maroc pluriel et fier de sa diversité. A l’instar de la société civile et des associations comme la nôtre, le ministère de l’Education se devait de changer de curriculum, pour mette en valeur toutes les composantes de l’identité marocaine, comme mentionné dans la Constitution.
Comment voyez-vous le rapprochement Maroc-Israël ?
C’est un rapprochement entre le Maroc et les Marocains d’Israël. Aujourd’hui, il y a un million de Juifs en Israël qui sont marocains, qui sont partis avec une valise virtuelle mais qui ont emmené avec eux les traditions marocaines, ils ont même marocanisé la société israélienne. En Israël, ils ont conservé leurs noms marocains, ils chantent marocain, ils mangent marocain, ils récitent les piyoutims marocains (chants religieux), … Aujourd’hui, le Maroc est présent en Israël, grâce à sa composante juive d’un million de marocains. Dans la ville d’Ashdot par exemple, on trouve le parc Hassan II, l’avenue Mohamed V, … Malheureusement, il y avait ces dernières années, une coupure et pas de relations officielles entre les deux parties mais désormais, le Maroc va enfin revivre cette relation qu’il a toujours eu avec les Juifs marocains d’Israël. Pour moi, c’est comme si la Patrie reprenait ses enfants. Ce sont des Marocains comme nous, à Casablanca ou à Ashdot, on est tous des Marocains.
Vous avez également conclu un accord avec l’American Jewish Committee sur l’héritage juif. De quoi s’agit-il ?
On travaille avec ce comité depuis 2014 et on a signé un mémorandum axé autour de 3 points : organiser des conférences sur l’héritage juif dans le monde arabe ; le Maroc étant la porte d’entrée pour le monde arabe et cet accord nous permet comme association marocaine de travailler avec l’une des plus importantes associations juives des Etats-Unis, sur la région MENA, pour que tous les Juifs et ceux qui défendent la pluralité dans cette région voient le Maroc comme un précurseur. Le 2ème point consiste en la réalisation de capsules en ligne sur l’héritage juif au Maroc, (en français, en hébreu et en anglais), et qui vont être diffusées aux USA, en Israël et au Maroc. Le 3ème point concerne l’organisation et l’invitation chaque année des délégations juives américaines au Maroc et inversement, des délégations de jeunes musulmans marocains partiraient en Israël, avec à chaque fois des thématiques différentes : culture, start-ups, les jeunes entrepreneurs…Ceci dans le but de créer des liens entre les USA, le Maroc et Israël.
Quel rôle pour les nouvelles générations ?
Il faut un travail intergénérationnel entre les anciens qui ont la maturité et la vision et les jeunes qui ont l’énergie et l’innovation. Pour qu’on puisse mener la région MENA dans la bonne direction. Les jeunes ne doivent pas se contenter de regarder ou de suivre, ils doivent participer activement au changement qui s’opère dans notre région. Je pense que la jeunesse est ouverte à tout type de changements et donc à un rapprochement entre le Maroc et Israël, et une relation Etats-Unis, Maroc et Israël.
LIRE AUSSI :
David SERERO. « Je souhaite monter la première troupe d’Opéra Royale du Maroc »
Cet article El Mehdi Boudraa « Le Maroc est un exemple de tolérance à dupliquer dans les autres pays de la région MENA » est apparu en premier sur .
via Abdo El Rhazi El Mehdi Boudraa « Le Maroc est un exemple de tolérance à dupliquer dans les autres pays de la région MENA »
No comments:
Post a Comment