Carnet de voyage de Houda Chaloun
De Téhéran, la métropole tentaculaire qui s’étend aux pieds de l’Elbourz, aux merveilleuses Isfahan et Shiraz, fleurons de l’art et de l’architecture islamiques iraniens, en passant par Yazd, la perle du grand désert central iranien ou encore Rasht, le paradis de verdure sur la côte Caspienne. À la découverte de Tabriz, ville du célèbre mystique Shams-Eddine Tabrizi et plus grand centre commercial à la croisée des chemins de la soie. En marchant à travers les ruines de celle qui fut la plus riche cité du monde : Persepolis. Des merveilles que les amoureux des histoires persanes vont chercher dans la République islamique d’Iran d’aujourd’hui. L’Iran, un pays qu’on connait très peu aujourd’hui mais qui ne cesse de nourrir l’imaginaire de mille et une images et d’une histoire fascinante.
L’hospitalité iranienne
Les Iraniens sont un peuple avide de l’Étranger. Le touriste y est reçu avec une chaleur et une hospitalité impressionnantes. On l’invite systématiquement à prendre une photo, partager un repas, une discussion ou quelques jours chez soi. Une hospitalité sans pareil, dans tout l’Iran par ailleurs, mais surtout à Téhéran. Fait assez rare, car souvent partout ailleurs dans le monde, ce sont les gens de la capitale qui sont les plus détachés, les plus blasés. En Iran, Téhéran est une porte sur le monde extérieur et c’est à leur porte que les iraniens sont les plus chaleureux !
Téhéran, le cœur battant de l’Iran
On ne prévoit initialement d’approcher Téhéran que comme une ville escale. Les merveilleuses Isfahan et Shiraz attendent un peu plus au sud avec leurs promesses de magnificence et d’émerveillement. Mais alors Téhéran vous prend rapidement au dépourvu. Elle vous suffoque d’abord avant de vous intriquer et finir par vous fasciner. Son air est irrespirable. La pollution alarmante de la ville vous cache les montagnes de l’Elbourz l’entourant et vous les dévoile, par intermittence, comme des joyaux inaccessibles. Son trafic est exaspérant, son rythme effréné et les quelques 15 millions d’Iraniens qui la peuplent sont, de premier abord, insaisissables. Une ville littéralement haïssable jusqu’au moment au on apprend à l’aimer.
Et lorsqu’on l’aime, Téhéran se dévoile dans toute sa beauté. Sa population est un mélange étonnant des particularités de toutes les provinces iraniennes et c’est au Grand Bazar de Téhéran qu’on s’en rend le plus compte. Une première rencontre avec l’Iran dans toute sa diversité Téhéran est surtout une ville qui vacille entre le passé récent des shahs et le présent mitigé de la république islamique des mollahs. La Banque Centrale d’Iran expose encore aujourd’hui les Joyaux de la couronne impériale de Perse, une des collections de joaillerie les plus importantes au monde. Des joyaux qui ont été utilisé pour la dernière fois par Mohamed Reza Pahlavi avant qu’il ne décide d’en faire une propriété de l’état iranien et non de la famille impériale. Une décision maintenue par la République islamique. Les joyaux de la couronne sont un important soutien du cours de la devise iranienne.
Le Palais Golestan est un autre vestige des empires persans, connu dans l’histoire récente pour avoir abrité les réceptions officielles des Pahlavi, notamment les couronnements des deux derniers Shahs. Un magnifique complexe aujourd’hui ouvert au public sous la responsabilité de l’Organisation de l’Héritage Culturel d’Iran.
Mais Téhéran c’est surtout un bouillonnement culturel et une fibre contestataire qui imprègnent les discussions, dans les maisons comme dans les espaces publics. Le parc des artistes, en particulier, reste l’endroit idéal pour découvrir Téhéran sous son meilleur jour. On y rencontre artistes et intellectuels mais aussi cette jeunesse qui n’aspire qu’à vivre de sa pleine liberté.
Isfahan, la moitié du monde
Henri Stierlin, l’écrivain suisse expert d’histoire d’art et d’architecture, islamiques en particuliers, avait consacré un livre à la ville : “Ispahan, l’image du Paradis”. On l’apelle aussi, dans un jeu de mots, si proche de la réalité, “Isfahan, Nesf-e-Jahane”, la moitié du monde.
On visite Isfahan comme qui ferait un voyage dans le temps, d’abord la vielle ville et son monument phare, la Mosquée du Vendredi ou la Mosquée Jameh, une des plus anciennes mosquées du pays. Sa construction avait commencé avec la dynastie des Omayyad vers 771 mais a continué pendant presque un millénaire. Omayyad, Abbasides, Seldjoukides, Qadjars, Safavides…chaque culture qui a imprégné l’histoire persane, a ajouté quelques pierres à l’édifice et en a fait ce qui est aujourd’hui une des plus importantes mosquées d’Iran.
Pour rejoindre la nouvelle ville on traverse le Grand Bazar d’Isfahan. On s’imprègne des senteurs, de ce tohu-bohu caractéristique des bazars, des va-et-vient incessants des visiteurs et vendeurs ambulants… On est alors emporté par la frénésie de la vie actuelle alors qu’on déambule encore dans les couloirs de l’histoire Au bout de quelques heures à déambuler et à se perdre mille fois dans les labyrinthes du bazar, on arrive à la grande place d’Isfahan Meidān Naghsh-e Jahan – L’image du monde en
persan. Une des plus grandes places en Iran, d’une surface de 9 hectares, et certainement l’une des plus belles. Entourée de magnifiques édifices de l’époque Savafide, dont Isfahan fut la capitale : La Mosquée du Cheikh Lotfallah, le Palais Ali Qapu, la Mosquée du Chah Abbas et la porte nord du grand bazar d’Isfahan. Tels des joyaux, ces 4 monuments entourent un grand bassin d’eau et des jardins verdoyants. La place est un symbole de la fertilité de la terre et de la culture persane dont les piliers restent la religion, le pouvoir commerçant et le pouvoir du Shah.
Aujourd’hui encore, la place Naghsh-e Jahan est un des endroits les plus populaires d’Isfahan. Les habitants de la ville la prennent d’assaut dès les premiers jours du printemps. Ils y vont profiter du beau temps et faire cette activité qu’ils affectionnent tous : pique-niquer !
On continue la visite de la ville en longeant de longs boulevards ombragés affichants avec fierté quelques palaces et jardins luxuriants, avant d’arriver aux fameux ponts de la ville : Le pont Allahverdi Khan ou encore le Pont-barrage Khaju. Des ponts qu’on traverse pour arriver à Jolfa, le quartier arménien d’Isfahan. Ce quartier avait abrité des arméniens déportés de Turquie et a évolué en tant que centre autonome chrétien dans un pays musulman. Plusieurs églises y ont été édifiées, dont la plus connue La Cathédrale Saint-Sauveur, aussi appelée Kelisa-e Vank. Une belle cathédrale, que les iraniens encore aujourd’hui visitent en masse. L’engouement des iraniens pour leur propre diversité culturelle, leur ferveur des arts ne se limitent décidément pas à une religion.
Shiraz, ville des poètes et de la luxure
Hafez Shirazi, Ferdowsi, le Vin de Shiraz, le Bastani (glace) de Shiraz, la fleur d’oranger qui embaume les rues de la ville au printemps…Shiraz, la ville qui inspire beauté et délicatesse. Une cité qui fascine inlassablement depuis très longtemps et jusqu’aux iraniens eux-mêmes.
Pendant les deux semaines de vacances officielles en Iran à l’occasion de Nowrouz, le nouvel an persan, la ville est prise d’assaut par des hordes de touristes locaux. Ils auront fait le très long trajet depuis Téhéran pour ce qu’ils considèrent un pèlerinage de la beauté et une ode au magnifique printemps de Shiraz. Et Shiraz le leur rend bien. Cette ville regorge de merveilles d’architecture et de raffinement.
On commence la visite de Shiraz par l’un de ses monuments les plus connus au monde : La mosquée Nasir Al-molk, ou la mosquée rose. Ce somptueux édifice dénote avec les autres mosquées du pays de par sa couleur rose prononcée, sur les ornements des murs ou encore les lumières réfléchies par les vitraux de sa facade intérieure. Un véritable joyau de mosquée où paix et beauté se conjuguent dans une parfaite harmonie.
La mosquée Vakil, différente aussi des traditionnelles mosquées du pays, n’a quant à elle que deux Iwans aux lieux des habituels quatre mais se pare d’une immense cour ouverte. Son minbar, constitué de marbre vert et d’un escalier de 14 marches, est considéré comme l’une des pièces maîtresses de la Dynastie Zand. Jouxtant la mosquée, le Hammam Vakil est considéré également comme un héritage national d’Iran. Parfaitement préservé, il est aujourd’hui un musée à part entière, exposant les traditions de bains publics persans et transportant ses visiteurs dans l’atmosphère sereine des hammams d’antan.
A Shiraz on retrouve également un des mausolées important de la tradition Shi’a en Iran. Le mausolée Shãh Chérāgh où sont enterrés les frères Ahmad et Muhammed, fils du 7ème imam Musa Al Kazim et frères du 8ème imam Ali Ar-ridha. Une occasion d’observer cette ferveur exprimée dans la tradition Shi’a pour ses imams et leur descendance. Une ferveur couplée à la grandeur de l’endroit : Des ornements en or, des pères précieuses et des plafonds complètement couverts de miroirs.
Shiraz est aussi ses jardins de luxures et ses maisons traditionnelles hautes en couleurs. La Maison de Qavam en est un bon exemple. Une maison historique qui appartenait à une famille de commerçants originaires de Qazvin, ville du nord de l’Iran, qui ont fini par devenir d’influents politiciens pendant plusieurs dynasties jusqu’à celle des Pahlavi. Cette maison est un témoignage de l’élégance et du raffinement dont jouissaient les familles riches iraniennes. L’influence européenne y est très prononcée avec des décorations de l’ère victorienne. Le jardin d’Eram, jardin du paradis en persan, est un autre exemple de la beauté des jardins Shirazi. Il est certainement un des plus beaux parcs de tous l’Iran. On y retrouve une vegetation impressionnante, des tulipes de toutes les couleurs, des arbres fleuris et toujours des hordes d’iraniens célébrant le printemps.
On finit la visite de Shiraz en se rendant pour un dernier hommage à celui qui a réellement donné à la ville sa réputation de jardin d’Eden. Havez Shirazi, le grand poète persan du 14ème siècle. Sa tombe La Hafezieh est un lieu de pèlerinage prisé par les iraniens de jour comme de nuit. En Iran on apprend les poèmes de Hafez par coeur car Il reste la figure non religieuse prédominante dans la culture du pays. Il est surtout aimé par les iraniens comme un maitre spirituel dont le recueil de poésie vient juste après le coran sur l’échelle d’importance. Fait remarquable dans un pays considéré profondément conservateur mais dont le peuple entier récite à tout va les poèmes du poète du vin et de l’amour.
Persepolis, la plus riche cité au monde
A 70km de Shiraz, on retrouve la célèbre Persepolis. Capitale de l’empire perse achéminide il y a 2500 ans, cette cité mythique fut la plus riche ville du monde avant sa destruction suite à la conquête d’Alexandre le Grand. Des richesses qui lui parvenaient du monde entier : Cadeaux et tributs des différents peuples sous le règne de l’Empire. On voit encore aujourd’hui sur les murs de la cité des représentations, parfaitement préservées, de grandioses cérémonies où des émissaires venus d’Europe, d’Afrique et de Moyen-Orient marchent en processions, portant leurs cadeaux jusqu’aux pieds de l’empereur. Un superbe voyage dans le temps dans les ruines d’une citée antique, redevenue célèbre grâce à une bande-dessinée polémique.
Tabriz, à la croisée des routes de la soie
Sélectionnée capitale du tourisme islamique pour 2018, Tabriz se prépare à sa nouvelle mission en mettant en avant ses atouts de ville centre commercial et culturel des routes de la soie.
Le bazar de Tabriz est un énorme labyrinthe de couleurs et de senteurs. Établi sur une surface de 75 hectares, Il contient quatorze mosquées dont la Grande Mosquée de Tabriz et ses couloirs commerçants sont connectés par une soixantaine de caravansérails. C’est une ville à part entière, la vie s’y fait depuis des siècles dans un rythme d’échange commerciaux et culturels, réunissant des populations venues de contrées lointaines.
Le bazar est aujourd’hui patrimoine mondial de l’UNESCO et reste un des plus impressionnants bazars encore complets du Moyen-Orient.
A quelques centaine de metres du bazar on retrouve une des mosquées les plus connues d’Iran : La mosquée bleue. Tellement connue qu’on confond souvent les autres mosquées iraniennes avec cette merveille ravagée par le temps et les séismes. Lorsqu’on voit le bleu des autres mosquées iraniennes on se dit “ah ça doit être la mosquée bleue” mais alors on ne retrouve ce bleu particulier et intense que dans la véritable mosquée bleue d’Iran, celle de Tabriz.
Tabriz, comme toutes les autres villes iraniennes se pare également de somptueux jardins : 132 parcs au total, soit 5,6 m2 d’espace vert par habitant. Le plus remarquable de ces parcs est le parc El Gölü au centre de la ville. Le parc est d’abord un lac artificiel avec une ile centrale, entouré d’allées fleuries et d’escaliers menant à une colline verdoyante surplombant la ville. Un poumon de la 3ème ville du pays qui lui donne un charme tout particulier.
A une centaine de kilomètres de Tabriz se trouve une curiosité de la nature, des cheminées de fées comme celles, fameuses, de la Cappadoce en Turquie. A la différence des cheminées de la Cappadoce, celles de Kandovan sont habitées par quelques 200 familles. Une vie ordinaire dans un paysage de conte de fées.
Les langues d’Iran
L’Iran est un essaim de cultures et d’ethnies différentes. On y compte ceux qui parlent une langue iranienne : persans, kurdes et pachtounes pour les plus connus et ceux qui parlent une langue turque: les Azéris qui à 13% de la population totale, constituent le premier groupe après les persans (6%) et les Turkmènes, mais aussi d’autres ethnies dont les arabes plus au sud, les arméniens ou encore les 25000 juifs iraniens.
L’Iran au naturel
Du désert central, à la mer Caspienne, du nord au sud, les paysages Iraniens évoluent et changent comme la culture et les traditions de chaque province. L’enchantement, lui, est toujours au rendez-vous.
Des étendues de dunes, des plaines désertiques rocheuses, les traces d’anciennes routes de la soie, des caravansérails, des villages en pisé et des structures ingénieuses, les attrapes-vent, pour refroidir l’eau souterraine. Le desert central Iranien, Dacht-e-Kevir, et sa perle Yazd vous transportent dans le temps comme nul autre endroit en Iran. Une expérience unique que celle de traverser ce desert, sur les pas des populations nomades et des commerçants. Une expérience fabuleuse que de passer une nuit dans un véritable caravansérail des temps anciens, et de rêver la nuit durant à ces discussions et intrigues entre poètes, grands vizirs et rois.
Quand les températures commencent à flamber au centre et au sud de l’Iran, c’est au nord que les iraniens vont se rafraichir. Sur la cote Caspienne, une ville en particulier attire les visiteurs, Rasht. Des airs d’Amazonie dans cette région contrastant avec le reste de l’Iran au vu de sa végétation abondante. Le vert de la nature évince subitement le bleu et le rose des mosquées.
Et puis retour au commencement, non loin de Téhéran, et les stations de skis de Damovan et de Shamchak dans les montagnes de l’Elbourz. On ne s’y attend vraiment pas. On ne prévoit pas de trouver en Iran des montagnes enneigées, des lacs et surtout des stations de ski. Mais voilà, il se fait que les iraniens sont tout aussi férus de randonnées et de ski qu’ils le sont de pique-niques dans leurs magnifiques jardins.
Voyager en Iran c’est finalement découvrir des climats et des eco-systèmes différents, déambuler dans les couloirs de l’histoire mais surtout retrouver une population généreuse, chaleureuse et d’une culture abondante. En Iran, la merveilleuse Perse est plus vivante que jamais.
Crédit photos Houda Chaloun
via Abdo El Rhazi Reportage exclusif : Les merveilles de la Perse
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