‘Invité des institutions musicales internationales les plus prestigieuses, le clarinettiste français de renom a subjugué le public par la justesse et la profondeur de son interprétation lors de la 16e édition du Printemps Musical des Alizés* célébrant cette année l’Ecole Viennoise. ‘
* Du 28 avril au 01 mai 2016
Lorsque Pascal Moraguès intègre l’Orchestre de Paris en 1981 en tant que 1er clarinettiste solo, il n’a que 18 ans. Passionné de musique de chambre et épris d’oeuvres majestueuses de Mozart, Beethoven, Schubert, Shumann ou Brahms, il crée à l’époque avec ses deux frères, Pierre (cor) et Michel (flûte), le quintette Moraguès, complété par David Walter (hautbois) et Patrick Vilaire (basson). Sa stupéfiante maîtrise de l’instrument couplée à une fine musicalité et une sonorité franche, ainsi que son émouvante interprétation du Quintette de Brahms en compagnie du Quatuor Danel à Dar Souiri, en ouverture du festival des Alizés, a transporté le public dans l’univers poétique du compositeur allemand. Avec des notes qui tantôt vous transpercent le coeur tantôt vous apaisent l’esprit, le soliste inspiré a offert lors du Concerto pour Clarinette de Mozart en compagnie de l’Orchestre Philarmonique du Maroc, toute la quintessence de la mélodie mozartienne, exhibant ainsi un jeu d’une grande subtilité et un art consommé de nuance. Rencontre avec un virtuose de la clarinette qui nous dévoile sa passion pour la musique de chambre et son penchant pour le répertoire classique du 18e, 19e et 20e siècle.
L’observateur du Maroc et d’Afrique: Ça vous fait quoi de vous produire pour la 1ère fois à Dar Souiri ?
Pascal Moraguès : Jouer dans cette ville, c’est très particulier, c’est une autre ambiance, un autre lieu, il y a une configuration particulière, une proximité avec le public,… c’est une nouvelle expérience de jouer ici cette musique qu’on est habitué de jouer dans des lieux mythiques.
Pourquoi avoir opté pour la clarinette ?
D’après mes parents, il paraît que c’est ce que je voulais faire étant petit, à l’âge de 6 ans, je voulais déjà faire de la clarinette.
Que représente la musique de chambre pour vous ?
C’est une grande partie de mon activité, je suis professeur au Conservatoire Supérieur à Paris (depuis 1995) et aussi soliste à l’orchestre de Paris,…c’est une rencontre avec d’autres amis, des partenaires en petites formations tandis que l’orchestre, c’est une autre approche, il y a une participation beaucoup plus collective, au-delà du côté individuel. En plus d’être un échange, c’est tout un répertoire qu’on ne peut aborder que dans cette formation là ; et nous, clarinettistes, on est particulièrement gâté parce que dès les 18e, 19e et 20e siècle, les plus grands compositeurs comme Mozart, Beethoven ou Schubert, Shumann, se sont penchés sur notre instrument pour écrire des oeuvres magnifiques (Quintette pour clarinette, Quatuor à cordes, sonates, trios avec piano, violon ou avec violoncelle, …). Donc, ne pas aborder ce répertoire, c’est un manque énorme pour un clarinettiste.
En quoi jouer avec des petites formations différe t-il d’un orchestre ?
Quand on est au sein d’un orchestre, il y a une centaine d’instrumentistes, plus un chef d’orchestre qui donne une direction à suivre. L’approche est la même à partir du moment où c’est un travail d’écoute, on doit s’écouter pour pouvoir jouer verticalement ensemble, aller dans le même sens, avoir le même phrasé et les mêmes articulations. Quand on est dans les petites formations, il n’y a pas de chef principal, c’est un travail qu’on fait soi-même, entre nous, pour arriver à converger tous dans le même sens. La façon de jouer technique n’est pas différente, l’instrument, on l’aborde de la même façon, mais c’est la façon de communiquer qui va être différente.
Les répertoires musicaux que vous affectionnez particulièrement ?
Ceux du 18e et 19e tels que Mozart, Brahms, Shumann,… ou des pièces du 20e siècle « Quatuor de Messiaen », Bartók, Stravinski,…j’aime bien me plonger dans un univers au moment où ça se présente.
Lors de vos master classes, quels conseils donnez-vous à ceux qui veulent poursuivre une carrière de concertiste ?
Il faut être passionné, avoir la foi et le désir de découvrir, écouter et de ressentir la musique. Après, l’interprétation, c’est très individuel. En fait, il ne s’agit pas de cloner tout le monde, chacun a sa personnalité, nous sommes des interprètes, les compositeurs ne marquaient pas absolument tout dans la partition, donc, notre rôle, c’est de suivre un langage, de le décoder et de l’interpréter. Chacun son interprétation. Il faut d’abord entendre, écouter une personne, voir ce qu’elle a, ce qu’elle propose, si elle a déjà une conception, puis, avec sa propre expérience, son esthétique, essayer de suggérer et de voir dans quel sens on peut l’emmener, comment la faire évoluer et aller plus loin.
Comment définissez-vous votre propre interprétation ?
Au-delà de la technique, ce sont des émotions que je ressens par rapport à une musique. C’est un mélange entre l’approche instrumentale technique et les émotions qu’on transmet. Et c’est justement la maîtrise de l’instrument qui nous permet de nous rapprocher au maximum des émotions qu’on veut transmettre. Parce que le but, c’est de transmettre des émotions.
Ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?
C’est la transmission des émotions, quand des gens du public viennent me voir après le concert pour me dire qu’ils ont été touchés, émus…c’est une satisfaction pour moi parce qu’on se dit qu’on a réussi à transmettre le message du compositeur à travers notre perception de cette musique. On a un rôle d’interprète, et sans nous, la musique serait un très beau tableau, des notes couchées sur du papier, donc, les compositeurs ont besoin des interprètes et vice versa.
Des artistes avec qui vous aimez jouer ?
J’ai un Quintette qui existe depuis 35 ans, avec 2 de mes frères et 2 camarades. C’est une formation à laquelle je suis particulièrement attachée, pour des raisons familiales d’abord, mais aussi parce que c’est 35 ans d’expérience, de concerts partagés avec les mêmes personnes, c’est une expérience unique. Au cours de ma carrière, j’ai croisé le chemin d’instrumentistes formidables, de musiciens passionnants avec qui j’ai partagé des moments merveilleux, comme le Quatuor Danel.
Il vous arrive de vous chamailler entre frères ?
Oui, j’ai un frère jumeau avec lequel je me chamaille le plus car entre frères, il n’y a pas d’enjeux, on se dit tout. On peut avoir des discussions intenses et tendues mais 5 minutes après, les choses sont oubliées, ça fait partie de notre fonctionnement. Souvent, la conception est la même mais le chemin pour arriver à un résultat diffère !
Des projets ?
Oui, je pars bientôt en tournée en Europe. J’ai des concerts au Danemark, en Suisse, en Allemagne, en France…, puis j’ai un projet de disque Brahms avec les deux sonates pour clarinette et trio pour clarinette, violoncelle et piano.
Avec ce festival, pensez-vous qu’Essaouira puisse rivaliser avec les autres capitales européennes ?
Il n’y a pas de rivalités, si on se donne les moyens, il y a de la place pour tout le monde, au contraire, ils peuvent devenir complices ✱
via Abdo El Rhazi Quand Pascal Moraguès revisite Brahms et Mozart à Essaouira !
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