À différentes occasions et par différentes voix, la diplomatie algérienne s’ingénie à installer l’idée que l’adhésion-retour du Maroc à l’Union Africaine était la bienvenue et ne posait aucun problème dès lors que Rabat a ratifié l’acte constitutif de l’Union qui repose dans l’alinéa (b) de l’article 4 sur « le respect des frontières existant au moment de l’accession [des pays africains] à l’indépendance ». Ce qui impliquerait à ses yeux la reconnaissance tacite de la RASD. Si c’était le cas et si c’était aussi simple, Alger ne se serait pas démené bec et ongles jusqu’au dernier round pour entraver ce retour. La diplomatie marocaine s’est suffisamment déployée, en s’appuyant entre autres sur l’exemple d’Israël, pour expliquer que s’assoir au sein d’une même instance internationale ou régionale avec une entité que l’on ne reconnait pas ne signifiait nullement sa reconnaissance. Mais au-delà de la contre-attaque, il est important de retenir que l’alinéa (b) de l’article 4 de l’acte constitutif de l’UA est la reprise d’une résolution de la conférence du Caire de juillet 1964 mettant l’accent sur « l’intangibilité des frontières héritées du colonialisme ». De peur que l’Afrique récemment indépendante sombre dans des guerres frontalières fratricides, la conférence avait tranché ainsi la divergence qui opposait à la naissance de l’OUA le groupe de Monrovia au groupe de Casablanca favorable à une renégociation des frontières après l’achèvement de l’indépendance de tous les pays africains. C’est dans ce sens qu’avait abondé Farhat Abbas, président du gouvernement provisoire algérien, partie prenante du groupe de Casablanca, et qui avait signé un accord avec le Maroc promettant de revoir les frontières maroco-algériennes à l’indépendance de l’Algérie. Ses successeurs, qui trouvent pourtant que tout n’est pas bon dans le colon, renièrent bien évidemment ces engagements en se prévalant de l’intangibilité des frontières héritées du colonialisme, seul quartier du cochon qu’ils trouvèrent à leur goût. Sa nouvelle rédaction dans l’article 4 de l’acte constitutif en l’amputant du passage « héritées du colonialisme » trahit la gêne de ses adeptes qui ont cherché par là à le purger de la charge négative de cette formulation. Pour la qualité de l’exercice, négligeons que cet article n’a rien réglé pour poser la question de sa possible application à la RASD proclamée en territoire algérien après la récupération du Sahara par le Maroc, ne possédant par ailleurs aucun attribut d’un État, a fortiori indépendant et souverain. Dans l’esprit comme dans la lettre, c’est le Maroc qui a libéré, grâce à la marche verte, et a hérité en 1976 des territoires de ces provinces de la même manière qu’il l’a fait pour Tarfaya en 1958 et Ifni en 1969. La lutte pour la libération de ces provinces est un continuum qui a commencé avec le combat pour l’indépendance du Maroc jusqu’à aujourd’hui. L’un des moments phares de cette action est l’opération Écouvillon qu’il vaut mieux reprendre tel qu’Elisa Assidon la raconte dans Le Monde Diplomatique de février 1978. Elle montre clairement que s’il y a une capitale qui peut se prévaloir de l’article 4, c’est bien Rabat : « Le 10 février 1958, écrit-elle, des troupes françaises pénétraient dans le Sahara espagnol pour y rétablir l’ordre en coordination avec l’armée franquiste […] Objectif de l’opération : refouler vers le Nord les « irréguliers » marocains de l’Armée de libération nationale (A.L.N.) qui, grâce au soutien de plusieurs tribus locales, harcelaient la garnison espagnole et l’obligeaient à rester cantonnée dans trois villes côtières, Villa-Cisneros [Dakhla], El-Aïoun et Cap-Juby [Tarfaya]. » La suite, on en a parlé plus haut.
via Abdo El Rhazi Libre cours
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