Dans les années 40-50 du siècle dernier, il y avait plus d’ouvrières syndiquées à Safi qu’à Casablanca, pourtant métropole industrieuse émergente. Ceux qui connaissent l’importance de l’indépendance matérielle dans l’émancipation de la femme peuvent en tirer les conclusions.
L’assèchement de la ressource, la sardine, la fermeture des usines, les fameuses « fabricate », pour « fabriques » a changé la donne statistique, mais pas le lien social. La poterie, par exemple, a été un secteur d’activité exclusivement masculin, jusqu’ aux années 80. Aujourd’hui, les femmes l’ont totalement investi. Des « Mâalmate » se sont fait une place au soleil. Des jeunes filles suivent le cursus de la formation professionnelle pour intégrer le métier. La fondation de Safi rend d’ailleurs hommage à deux d’entre elles aux côtés des deux monstres sacrés de la poterie, que sont Moulay Ahmed Serghini et Moulay Ahmed Laghrissi. L’une d’elles est la gagnante de l’émission « Artisans de mon pays ».
L’autre, Latifa Ziouani était la représentant parlementaire issue du secteur. Cet hommage correspond à une réalité. Les femmes apportent énormément à l’art de la céramique à Safi avec leur sensibilité, leur goût du beau et leur recherche continuelle de la perfection. Les femmes de Safi ont une chorale. Beaucoup croient que Safi c’est la ville des Chikhates, de l’Aîta. Bien que fan du Marsaoui, je me vois obligé de rectifier cette erreur, si communément partagée. A Safi, ville de la tolérance millénaire, tous les genres musicaux existent : Malhoun, Andalous, Gharnati, Gnaoui, et toutes les musiques de confréries, sans exception aucune. Cette chorale de femmes puise dans un répertoire éclectique, mais d’excellence.
Enfin à Safi, il y a plusieurs femmes peintres qui, par leurs expositions, animent la vie culturelle de la ville, qui en a bien besoin. Je n’en citerai que deux, pour leur parcours particulier. Il y a d’abord Aya, une enfant de 12 ans, qui s’exprime par le pinceau, parce qu’elle est autiste. Elle comprend et parle 3 langues, alors qu’elle n’a jamais été sur un banc d’école. Des amis, ayant plus d’expertise que moi en la matière, y voient un grand nom de la peinture marocaine en devenir. Et puis, il y a Leila El Farissi, dont la particularité est qu’elle a attendu sa retraite pour se livrer pleinement à sa passion, la peinture.
Le résultat, ce sont plusieurs expositions à travers le pays saluant un talent, une sensibilité qui enrichit l’art pictural marocain. Et puis, il y a toutes ces Safiotes qui maintiennent le savoir-vivre même dans la précarité et transmettent l’art culinaire safiot, souvent unique, surtout dans l’utilisation de l’aigre-doux, le poisson au chocolat est un délice qui était prisé pour Feu Hassan II, Massapan est une friandise qui devient vite une addiction et les deux n’existent qu’à Safi. Je n’oublie pas les grandes réussites académiques, les grands médecins dès la première génération.
Je suis fier de mes Safiotes, véritables gardiennes du temple qui n’ont cédé ni à la rancœur si partagée dans cette ville, ni au défaitisme. Elles ont maintenu la flamme en s’ouvrant d’autres horizons. Qu’elles en soient remerciées. La renaissance de notre ville n’est pas possible sans s’appuyer sur leur résilience et leur attachement à l’espoir et à l’identité safiote et son âme spécifique. Fier d’être des vôtres.
via Abdo El Rhazi Fier de mes Safiotes
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