Emmanuel Macron, le presque quadra qui veut secouer la France ankylosée, et Marine Le Pen, l’héritière d’une lignée d’extrême droite, ont porté l’estocade finale au système politique français. Le 23 avril, en quelques minutes, les résultats du premier tour de la présidentielle ont changé le visage politique de la France. En arrivant en tête, Macron et ses 24,01% des voix, Marine Le Pen et son score à 21,3%, ont effacé le bipartisme, presque cinquantenaire, devenu chancelant et désormais effondré.
Comment en est-on arrivé là pour que les Français se détournent des deux mastodontes politiques qui alternaient au pouvoir depuis 1981 et viennent d’exploser en vol ? Car ni le parti des Républicains, la droite gaulliste, ni le Parti socialiste « ressuscité » par François Mitterrand, en 1971, ne s’en remettront sans recomposition dans leurs rangs. À l’origine de ce grand chambardement, une grande lassitude des Français. Un rasle-bol phénoménal devant une classe politique vieillie, incapable de se renouveler, de trouver des idées neuves pour sortir le pays de la crise économique qui sévit depuis un quart de siècle. Résultat : en 2017, les électeurs n’ont eu de cesse de « sortir les sortants ». Ce fut Nicolas Sarkozy, remercié lors de la primaire de la droite ; puis François Hollande qui, réaliste, renonça à se présenter devant un échec assuré. Manuel Valls subit à son tour l’opprobre de celui qui avait gouverné et perdit la primaire de la gauche. Le « dégage », comme lors des « Printemps arabes », ne s’arrêta pas là. Dimanche dernier, Fillon, le candidat de la droite, empêtré dans ses « affaires » et Hamon, celui du PS, furent sortis à leur tour. Un séisme dont la France avait eu un avant-goût à la présidentielle de 2002 lorsque Jean-Marie Le Pen avait fini second contre Jacques Chirac. Le big bang politique de 2017 laisse apparaître une rupture béante au sein d’une France morcelée, presque un puzzle. C’est, globalement, la France des villes contre celle des campagnes. La France qui se porte bien, celle des plus éduqués, de Paris et des grandes agglomérations, des régions ouest, sud-ouest et Rhône-Alpes. Cette France a largement choisi Macron, l’Europe, le libéralisme économique et l’ouverture sur le monde. L’autre France, celle du nord et de l’est désindustrialisés, celle du sud et des régions rurales du centre, là où les petites villes meurent, mettent leur espoir dans le Front national, le parti qui n’a jamais été essayé. Pour cette France des laissés pour compte, l’establishment politique, l’Europe, la mondialisation et les étrangers sont à l’origine de leurs malheurs. Jeune quadra brillant, européen convaincu passé par la banque Rothschild, l’Elysée et le gouvernement Valls (il fut ministre de l’Économie), Macron est le concurrent idéal de Marine Le Pen, le symbole honni de ses électeurs. Il devrait pourtant l’emporter. Macron engrange les ralliements à droite et à gauche, lui qui veut être ni d’un côté ni de l’autre, mais veut prendre le meilleur des deux. La Grande mosquée et le Consistoire appellent à voter pour lui. Le Front national fait peur. Mais après avoir gagné sur un champ de ruines politiques dont il n’est certes pas responsable, Macron va devoir recoller les morceaux du pays pour lui dessiner un autre avenir. C’est à quitte ou double.
via Abdo El Rhazi France – Présidentielle : le grand ménage
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