Les derniers développements du mouvement de protestation d’Al Hoceima interpellent à plusieurs titres. Certaines positions nous ramènent à l’ambiance des années de plomb, alors qu’on en est très loin, parce qu’objectivement, le chemin parcouru est une rupture définitive avec des situations, des pratiques, aujourd’hui impossibles. Il y a deux aspects dans ce dossier. Le premier concerne le respect des institutions. Le second est lié à la satisfaction des revendications, à la réponse aux aspirations des populations, de manière volontariste, sans nier les réalités économiques. Le respect des institutions, c’est d’abord le respect de l’Etat de droit. Pendant 6 mois, le droit à manifester pacifiquement a été respecté. Des deux côtés d’ailleurs, faut-il le signaler. Les derniers développements posent d’autres problèmes. Il y a une présomption d’actes délictueux au sein d’une mosquée, mais aussi de liens à l’étranger. Les 40 détenus ne sont pas sous le même chef d’inculpation. Les cas sont donc très variés. Le respect de l’Etat de droit, c’est de laisser l’enquête se dérouler normalement, et puis ce sont les juges, lors du procès, qui trancheront en fonction des arguments de l’accusation et de la défense. Un procès équitable, contradictoire, est le fondement de la Justice dans un Etat de droit. Présumer des résultats, du découlement éventuel du procès alors que nous sommes au début de la procédure, c’est nier toutes les avancées du Maroc. Les avocats, la presse, l’opinion publique, seront là pour en juger. Et puis, il y a l’international. Nous ne vivons pas en autarcie, le monde nous scrute et nous y sommes sensibles parce que nous affichons nos choix démocratiques. Justement, parce que nous affichons des choix, il serait puéril d’exclure des manipulations étrangères concernant le mouvement d’Al Hoceima. C’est à la Justice de trancher, mais la possibilité existe, parce que le pays a ses ennemis et que ces pratiques barbouzardes sont courantes. Le deuxième sujet est des plus importants, parce qu’il ne concerne pas uniquement une région. Les revendications socio-économiques sont légitimes. Elles concernent les services publics, mais aussi, une vraie vision du développement. Le Maroc n’a pas les moyens d’une politique rentière afin d’instaurer une paix sociale. Il n’a donc qu’un seul choix, celui d’un modèle de développement inclusif. C’est la responsabilité du gouvernement. Celui-ci est intervenu trop tard, six mois après, et finalement sans réponse à la question de l’emploi. Sur cette région, il faut négocier avec l’Europe et en particulier l’Espagne, un cadre indicatif pour les investissements. Le Maroc a éradiqué la contrebande, combattu avec efficacité le trafic de drogue et l’émigration clandestine. Ce n’est tenable que si une économie licite alternative s’impose et l’Europe doit y prendre sa part. Enfin, cette perspective positive n’est possible que si chaque institution assume sa fonction. Les partis politiques, les syndicats, sont aux abonnés absents. Ils ne remplissent pas leur rôle constitutionnel, l’encadrement des citoyens, pour lequel ils perçoivent l’argent du contribuable. Les intellectuels ne se sont pas distingués par des prises de position claires. Résultat, la médiation n’existe plus, ce sont les manifestants, soutenus par une partie de la population, qui sont face à l’Etat. L’épisode d’Al Hoceima peut constituer une remise en question du fonctionnement de nos institutions et une interrogation sur notre modèle de développement. Ça serait heureux, signe d’une vitalité démocratique. Encore faut-il éviter de remettre en cause la légitimité des institutions qui fondent le vivre ensemble.
via Abdo El Rhazi Al Hoceima, La perspective positive
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