Monday, April 1, 2019

Peter de Sève « Le Maroc pourrait m’inspirer pour mes personnages futurs ».

Connu pour ses nombreuses couvertures satiriques pour The New Yorker Magazine et ses conceptions des personnages de l’âge de glace, l’illustrateur américain de renom et invité d’honneur du FICAM 2019 partage avec nous sa passion pour le dessin et l’art de l’exagération. Une quarantaine de ses images préférées, -dessins de personnages créés pour L’Âge de glace, Le Petit Prince, The Grinch, et illustrations croquant avec humour les travers de ses contemporains-, sont exposées à la Galerie de l’Institut Français de Meknès du 6 mars au 6 avril 2019.

 

 

 

 

 

Pour un artiste célèbre comme vous, que signifie pour vous cette invitation au FICAM ?

 

D’abord, c’est un grand honneur pour moi d’être invité au FICAM. C’est ma 1ère fois au Maroc et c’est assez fascinant pour moi. C’est une façon magnifique de voir le monde et le fait d’être invité dans un festival où les gens adorent votre travail, c’est super ! Je suis quelqu’un qui regarde en permanence de belles choses et ce séjour au Maroc pourrait bien m’inspirer pour mes futurs personnages ! De plus, c’est une occasion géniale de rencontrer et d’échanger avec d’autres artistes que j’admire et qui vous admire, comme le réalisateur néerlandais Michael Dudock de Wit.

 

Racontez-nous un peu vos débuts, du travail d’illustration jusqu’à l’animation.

 

J’ai commencé à dessiner à 7 ans toutes sortes de personnages imaginés, allant d’animaux mignons à des monstruosités grotesques. Et en voyant mes dessins de l’époque, je me rends compte que c’est exactement ce que je suis aujourd’hui, ça me ressemble énormément ! Petit, j’adorais la science fiction, les films d’horreur et les super héros. J’ai grandi avec des dessins animés de la Warner comme Bugs Bunny, j’adore ce personnage, qui contrairement à Mickey Mouse, est très intelligent et futé, et qui a une vraie personnalité. C’est son esprit frondeur et irrévérencieux qui a façonné mon humour.  J’ai aussi grandi avec des films de monstres comme Frankenstein. Je collectionnais des comics, des bandes dessinées et Frank Frazeta a été un de mes héros favoris qui m’ont influencés.

 

Quelles ont été justement vos influences artistiques ?

 

Arthur Rackham m’a beaucoup influencé, j’aimais dans ses dessins cet équilibre parfait entre la réalité et la fantaisie, j’aimais aussi sa technique (aquarelle et encre) que j’utilise moi-même. Mon monde à moi est souvent coloré, mais j’ai mis du temps avant d’utiliser la couleur. Au début, mes dessins étaient en noir et blanc, et lorsque je faisais des illustrations pour des magazines d’affaires, c’était un peu difficile parce qu’il fallait toujours dessiner un homme blanc derrière son ordinateur. J’aimais plutôt dessiner les costumes des personnages mais de manière exagérée, et donc, ça me ressemblait plus. J’ai alors commencé à utiliser des animaux pour rendre mes dessins plus ludiques et plus personnels, ça m’a ouvert des portes par la suite. Les gens s’identifient à mes personnages sur les couvertures du New Yorker parce que je m’inspire beaucoup du quartier de Brooklyn où je réside. Mes illustrations sont des instantanés de la vie quotidienne où la réalité est légèrement déformée. J’aime le travail expressif d’Honoré Daumier, j’admire Winsor McCay, j’adore les dessins d’oiseaux exagérés de Thomas Starling Sullivant et je pense que la clé, c’est sa parfaite connaissance de l’anatomie des oiseaux et l’exagération. Pour les animateurs contemporains, j’admire Nico Marlet, tout comme Richard Thompson et Carter Goodrich.

 

Parlez-nous de votre processus créatif ?

 

Je commence toujours avec un dessin très petit, une aquarelle légère et j’imagine plusieurs scénarios avant d’arriver au résultat final. J’accorde beaucoup d’importance à l’expression du visage, qui raconte quelque part une histoire. L’artiste c’est celui qui voit des choses là où il n’y en a pas.

 

Comment êtes-vous passés à l’animation ?

 

Quand j’étais étudiant à l’université, je savais que j’allais dessiner des comics mais l’idée de faire de l’animation ne m’a jamais effleuré l’esprit ! Suite à une légende irlandaise illustrée, un des producteurs de Disney m’a appelé pour « Le Bossu de Notre-Dame », et depuis, je n’ai pas arrêté de travailler dans l’animation. Lorsque je dois concevoir un personnage, je n’aime pas travailler à partir de dessins préexistants pour ne pas être influencé. Ceci dit, l’animation est un travail d’équipe et de collaboration.

 

Le personnage dont vous êtes les plus fier ?

 

Je sais que beaucoup de gens aiment Scrat, mais c’est Sid qui me plait énormément, il est très émotionnel, comme Bugs Bunny, il a du cœur.

 

 

Avec la 3D, avez-vous perdu un peu de votre liberté de création ?

 

Je ne réfléchis pas beaucoup à cette idée, je pense plutôt à ce que j’ai envie de faire. Quand j’ai dessiné Diego le tigre aux dents de sabre dans l’âge de glace, j’avais peur qu’on ne puisse pas reproduire sa mâchoire, mais j’étais content du résultat, et j’aime bien cet effet surprise lorsqu’on découvre le rendu final.

 

Comment forge-t-on son propre style et comment faire pour ne pas se répéter ?

 

Il ne faut pas chercher forcément une technique pour avoir un style, c’est le style qui te trouve. Il faut suivre son instinct et faire ce qu’on aime et voir ce qui nous touche. Pour survivre dans ce milieu, il faut trouver le moyen de se motiver en permanence, pour rester inspiré ! C’est très dur de ne pas se répéter, pour des films qui ont les mêmes personnages, j’essaie de leur donner un look différent.

 

Que signifie pour vous le fait d’être un illustrateur ?

 

C’est la seule chose que je pouvais faire en fait, où j’excellais vraiment, et que j’adorais faire. Je ne peux pas m’imaginer faire autre chose, c’est quelque chose qui m’amusait quand j’étais enfant, et ça m’a collé toute ma vie.

 

Comment créez-vous vos personnages ?

 

Lorsque je dessine mes personnages, je mets beaucoup de moi en eux, je commence à me comporter comme eux, je rentre dans leur peau. Quand je dessine un personnage qui sourit, je souris en même temps, j’essaie d’imaginer comment il ressent les choses, je me mets à sa place et j’imagine sa réaction et l’expression de son visage.

 

Quelle est la part d’autobiographie dans vos dessins ?

 

Ma femme vous dirait que chaque personnage que je dessine est MOI. Et d’une certaine façon, c’est vrai parce que j’essaie de me mettre à leur place. Il y a des motifs, des expressions, des poses qui reviennent encore et encore, c’est tout MOI ! Ma famille m’inspire beaucoup, pour « Le Petit Prince », je me suis inspiré pour l’un de ses personnages de la démarche particulière de mon grand-père, et j’ai pensé à mes 2 filles quand j’ai dessiné la petite fille.

 

Savez-vous quand un personnage est réussi ou raté ?

 

Je suis conscient quand je fais un bon personnage amusant que les gens vont apprécier, mais ça n’arrive pas tout le temps !

 

Tous vos personnages sont mi- hommes mi-animaux. Pourquoi ?

 

Je suis obsédé par les créatures mi-hommes mi-bêtes, j’adore dessiner des animaux, mais ce n’est pas amusant si c’est juste des animaux ! C’est la façon de les rendre doublement intéressants en exagérant leurs traits qui est drôle. Je n’y pense pas vraiment, c’est juste spontané.

 

 

Pourquoi animer quelque chose si on peut la filmer ?

 

C’est idiot de faire un film d’animation qui ressemblerait à un vrai film. Le film d’ouverture du FICAM 2019 « Funan » de Denis Do est juste magnifique, il aurait pu être filmé de manière réaliste, mais là, il est poétique. Je crois que c’était un avantage de le faire en animation !

 

Un dessin que vous avez refusé de faire ?

 

C’est important pour moi que ça fonctionne, je ne parle pas d’argent avant de savoir exactement le projet. Il faut que j’aime ce qu’on me propose sinon, ça ne fonctionnera pas.

 

Y -a-t-il autre chose que vous voudriez encore accomplir ?

 

J’aimerais faire des livres pour enfants, ça me paraît une étape logique dans mon parcours, et ça ne prend pas 4 ans à faire comme un film. J’ai déjà collaboré avec ma femme sur un livre d’enfants écrit par elle et qui parle de deux oppositions qui se retrouvent et j’ai adoré cela !

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via Abdo El Rhazi Peter de Sève « Le Maroc pourrait m’inspirer pour mes personnages futurs ».

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