Friday, October 30, 2015

Elie Semoun « à partager »

ellie

Elie Semoun est de retour sur scène avec son nouveau spectacle « à partager ». Une oeuvre intimiste, à l’image de son humour, émouvant, cru et saignant.

L’observateur du Maroc et d’Afrique : C’est important pour vous de jouer au Maroc?

Elie Semoun : Oui, c’est très important, je me sens chez moi, j’ai mes racines ici, c’est la terre de mes ancêtres bien que je sois né à Paris, en plus j’en parle dans le spectacle, je dis que mon père vient de Taza, pas Gaza (rire), puis, ma soeur habite ici depuis 2 ans, ce n’est pas anodin. C’est symbolique pour moi.

Ce spectacle est plus intimiste que les précédents.

Oui, ça ressemble à des confidences, ce spectacle est différent des autres, il est un peu autobiographique parce que je par le de ma f amille marocaine, de mon fils, d e choses plus intimes mais en même tem ps, je parle de choses hyper saignantes qui choquent. Déjà, q uand j’ai joué au MDR le s ketch du f asciste qui s’installe dans une mairie en France, et q ui dit des choses racistes sur les ara bes, j’ai senti qu’il y avait un f lottement parce que les g ens se disaien t : Est-ce que c’est un sket ch? Est-ce que c’est lui qui p arle? Et si d es fois, ça grince des dents, je me dis q ue je suis là pour ça.

Et c’est voulu?

Disons que je n’aime pas faire les choses lisses, j’aime aborder des sujets qui sont un peu dérangeants. Un de mes personnages est un pédophile, un autre, c’est un djihadiste débutant qui s’inscrit sur internet et qui veut revenir après chez sa maman, parce qu’il est obligé de couper des têtes, j’ai un handicapé qui arrive avec sa béquille, un fasciste qui s’installe dans une mairie, le patron homosexuel d’un spa qui reçoit Elie Semoun. chaque fois, j’essaie de trouver des sujets différents, et des choses que moi seul peux faire et pas un autre. C’est ce que je reproche au stand-up, les sujets choisis par les humoristes,… ils sont remplaçables, alors que ce je fais, c’est très spécifique.

Justement, en quoi réside votre spécificité?

C’est d’aller là où ça f ait mal, de faire rire avec ce qui, a priori, n’est pas drôle du tout. Etre drôle avec ce qui n’est pas drôle !

Donc Elie Semoun n’a pas de ligne rouge?

Non.

Comment réagissez-vous quand le public ne rigole pas?

Pour l’instant, ça ne m’arrive pas très souvent, mais c’est sûr, quand ça ne fait pas rire, c’est un précipice, une horreur. C’est ce qu’on se disait avec Gad, souvent, la grande différence entre les acteurs et les humoristes, c’est qu’un acteur, s’il ne fait pas rire, ce n’est pas grave, un humoriste, c’est une catastrophe.

Vous avez une facilité pour l’improvisation?

Oui, je le f ais pas mal en début d e spectacle… ça dépend, je rebondis sur des gens, selon mon humeur. Ce soir, je parlerai de Casa, Gad est plus doué que moi ; moi, je suis dans des personnages donc, c’est difficile d’en sortir. Gad m’a dit qu’il fallait se moquer des Fassis, parce que ce sont des bourgeois, et donc, il fallait un peu les remuer.

Comment faites-vous pour ne pas vous répéter?

Il y a des sujets qui sont toujours d’actualité comme le racisme en France par exemple, mais c’est sûr, le plus dur, c’est de se renouveler. D’ailleurs, avant, j’avais des personnages : Kevina, Toufik -petite racaille de banlieue-, Mikeline… et je les ai éliminés pour me renouveler, il n’y a rien de pire pour un artis te que de se répéter.

Vous parlez de l’adolescence de votre fils, c’est quelque chose qui vous a marqué ?

D’abord, je me suis moqué de mon adolescence, puis celle des autres. Mon fils a 20 ans aujourd’hui mais il reste un peu ado, il m’a beaucoup fait rire, ce n’est pas méchant de ma part, ce sont des déclarations d’amour d’un père à un fils et c’est très rigolo.

Et qu’en est-il de vos origines marocaines?

Toute ma famille vient de là, ils m’ont parlé de Taza depuis tout petit, ils m’ont dit que c’était le plus beau village du monde, quand j’ai vu les photos, je me suis rendu compte que c’était un gros délire, j’avais besoin d’en parler. Quand vous faites un spectacle, vous vous racontez forcément, donc, je ne pouvais pas ne parler du Maroc. En plus, c’est un pays que j’aime beaucoup, je trouve que les Marocains sont gentils, c’est un pays démocratique. Je trouve que Casa est en train de devenir moins sale qu’avant, à Marrakech, il y a des endroits magnifiques, le Roi a fait pas mal de choses contre la pauvreté, et puis, la culture avance un peu; en plus, vous êtes un peu moins embêtés que les autres par l’intégrisme, ça prouve que vous êtes un peuple intelligent.

L’intégrisme, c’est un sujet qui vous dérange?

Ça dérange tout le monde, c’est un peu anxiogène comme sujet.

Votre relation avec Jamel Debbouze?

Oui, ça fait longtemps qu’on est amis, il est généreux, gentil, intelligent, et quand il me propose de participer au Marrakech du rire, je ne peux pas refuser.

Si vous faites un bilan de votre carrière, quel est spectacle dont vous êtes le plus fier?

Celui-là me plait beaucoup parce que j’ai retrouvé un peu les racines de ce qu’on faisait avec Dieudonné, c’està- dire, à la fo is drôle, pathétique et très social. Pour moi, c’est très important.

Avez-vous des regrets quant à votre duo avec Dieudonné?

Oui, bien sûr. Avant, on se marrait bien, on avait beaucoup de succès, on était très drôles tous les d eux.

Et là, vous sentez que c’est votre moitié qui vous a lâché?

Oui un peu, franchement, j’ai un peu la nostalgie de ça.

La page est tournée?

Ça dépend de lui, si un jour il décide vraiment de faire la paix, avec lui même et avec les autres et de délivrer un message de paix, à ce moment-là, ça vaut le coup de réfléchir.

Vous avez fait de la chanson, du théâtre, du cinéma, de la publicité, où est-ce que vous vous retrouvez le plus?

Quand je f ais beaucoup de scène, j’ai envie de faire du cinéma, et vice versa, je ne s uis jamais content. J’ai besoin de m’exprimer dans plein d e domaines, il m’arrive d’écrire des poèmes… Un artiste ne peut pas se contenter d’une seule activité !

Quelle relation entretenez-vous avec les humoristes français?

On s’entend très bien. On es t très liés, on se sert les coud es quand ça ne va pas, on se d emande des conseils, parce qu’on sait que c’est un métier très difficile .

Un humoriste qui vous inspire?

Ce sont plutôt les gens de la r ue qui m’inspirent, et généralement, ils ne savent pas qu’ils sont drôles, et mo i, ce que j’aime, c’est découvrir de la drôlerie, donc, si on l ’a déjà f aite pour moi, ça m’intéresse moins.

Et l’autodérision?

C’est indispensable, si on n’en a pas, on n ’est plus un humoriste ✱



via Abdo El Rhazi Elie Semoun « à partager »

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