Après « L’Orchestre de minuit » (2015) et « The 16th épisode » (2019), le réalisateur franco-marocain Jérôme Cohen Olivar revient avec un nouveau projet personnel « Autisto », fruit de la première co-production cinématographique entre le Maroc, Israël et les Etats-Unis.
Votre prochain film s’appelle « Autisto ». De quoi s’agit-il ?
C’est l’histoire d’une femme juive qui vit à Te Aviv et qui a un enfant autiste et épileptique. Cette maman mène une vie effrénée pour pouvoir joindre les deux bouts et subvenir aux besoins de son enfant. Un jour, l’état de ce dernier se dégrade, il tombe par terre et se retrouve à l’hôpital après une crise d’épilepsie… C’est un peu le bout du rouleau, elle est confrontée à l’inévitable et refuse de mettre son enfant dans un centre. A l’hôpital, elle rencontre une dame qui lui conseille d’aller visiter un saint qui fait des miracles au Maroc, Rabbi Haïm Pinto, à Essaouira, puisqu’il l’a guéri de mon cancer. Bien qu’elle soit sceptique, elle y va quand même y aller et se retrouve sur la tombe de ce saint, sauf que ce n’est pas le ce dernier qui va sauver le petit !
Vous ne croyez pas aux miracles des saints ?
Je crois en l’Homme avant de croire au Religieux, avant de croire en ce que l’Homme a fabriqué. Et pour moi, l’amour est la plus belle des religions. C’est peut-être puéril de dire cela mais je ne trouve pas d’autres mots pour exprimer ce que je ressens.
Votre enfant est autiste. C’est un thème qui vous tient à cœur ?
Absolument. Ça faisait très longtemps que mes amis, mes proches me demandaient d’écrire une histoire sur l’autisme ? J’e n’avais ni le courage ni l’envie ni l’angle. Des fois, le destin fait bien les choses, certains événements se sont produits petit à petit et ça a commencé à m’envahir, jusqu’au moment, comme pour tous mes projets, je n’ai plus le choix que de les accoucher sur du papier. Et à partir de là, ça devient une véritable urgence, une envie qui vous ronge de l’intérieur jusqu’à ce que le projet se concrétise.
Quelle est la part autobiographique dans ce film ?
Je pense que c’est film personnel, tout comme « L’orchestre de minuit ». C’est tiré de faits qui me sont proches ; je ne parlerais pas d’autobiographie, mais plutôt d’inspiration qui vient de mon propre vécu, car il y a des choses qu’on écrit et qui jaillissent de notre subconscient et qu’on finit par transmettre : ça peut être des peurs, des envies, … C’est un film personnel mais c’est aussi un film pour le public, un film pour ces femmes qui ont des enfants autistes ou avec un handicap et qui se battent tous les jours et qui crient leur détresse sur les réseaux sociaux. Et moi, ces cris me transpercent. Ce film, je le fais aussi pour ces femmes.
Sur Facebook, vous avez annoncé le projet en parlant de « rêve qui se concrétise » ?
Oui, c’est le rêve du rapprochement entre le Maroc et Israël, qui pour ma part, était inévitable. J’avais peur de ne pas être au rendez-vous, peur de quitter cette planète avant que ça ne se concrétise. Je suis rempli de joie et d’espoir et je suis plus déterminé que jamais d’aller de l’avant, pour foncer et dire ouvertement ce que je pense.
Ces deux peuples sont là, se côtoient, ont des unions sans qu’elles ne soient légitimées, et cette nouvelle ère, ce n’est finalement que donner la permission à deux peuples qui s’aiment de pouvoir entretenir des relations sans avoir à se cacher. Ça rejoint un peu mon film « L’Orchestre de minuit », dans une scène au début où le protagoniste dit que « son père est arrivé la veille d’Israël, via Istanbul », et ce stop à Istanbul c’est la symbolique de tout ce problème. Aujourd’hui, il n’y aura plus besoin de stop pour venir au Maroc, c’est énorme ! Certes, le Maroc a toujours entretenu des relations avec Israël et vice-versa mais le fait de ne plus avoir à se cacher, de pouvoir célébrer cette union et cet amour qui existe entre les deux peuples de façon légitime, c’est extraordinaire !
Le tournage va se faire dans plusieurs pays ?
Oui, les 2/3 du film se feront au Maroc, à Essaouira. La première partie sera tournée à Tel Aviv et on aura une semaine à New York. Le tournage du film débutera dès que la situation sanitaire le permettra.
Et par rapport au casting ?
Je ne fais jamais de pronostic à l’avance, parce que les choses évoluent. En tout cas, ça sera de grands acteurs, pour la mère j’ai des idées, elle sera israélienne avec peut-être des racines marocaines, …Vous savez, en Israël, chaque fois qu’on prend un chemin, on se retrouve au Maroc, c’est un melting pot mais il y a aussi un énorme patrimoine nord-africain, et surtout marocain. Le petit aura l’âge de la puberté, entre 12 et 13 ans, tout comme mon fils d’ailleurs.
Peut-on avoir une idée sur le budget ?
Vous savez, parler de budget, c’est un peu réducteur pour le moment, parce que ça dépend des acteurs, de la configuration du projet…mais généralement pour ce genre de projet, la moyenne varie entre 4 ou 5 millions d’euros. Pour l’instant, on n’a pas de budget fixe, j’ai toujours des partenaires qui souhaitent se joindre aux films.
Sur Facebook, vous avez évoqué également « un cinéma sans frontière »
C’est extraordinaire parce que je pense que les Israéliens ont beaucoup à apprendre de nous, autant qu’on a à apprendre d’eux. Au niveau artistique et cinématographiques, ce sont des échanges qui vont permettre pour nous d’évoluer, car on a tellement à offrir au Maroc : on a une telle sensibilité, on sait raconter des histoires, on a d’énormes talents, on a une histoire, une culture, …Israël a une grande technicité, c’est aussi un pays tout jeune, le peuple israélien croque la vie, les jeunes ont une réelle envie de découvrir leurs racines au Maroc, et c’est valable aussi pour ceux qui ne sont pas forcément d’origine marocaine. On dit souvent qu’il y a 1 million d’israéliens d’origine marocaine en Israël, je pense qu’ils sont 3 ou 4 millions si on inclut la 2e et la 3e génération. Ces jeunes qui ont leurs parents ou grands parents qui sont nés au Maroc ont la même soif de venir et découvrir ce pays, si ce n’est plus que les personnes de 1ère génération. C’est une sorte de tsunami qui arrive dans le bon sens, je pense qu’il va falloir être intelligent pour que ça dure et ne pas être pollué par certains mauvais esprits.
Que signifie pour vous la signature de cette première co- production cinématographique maroco-israélo-marocaine ?
C’est une grande réussite. Vous savez, dans « L’Orchestre de minuit », le protagoniste repart en Israël à la fin, et c’était pour moi quelque chose de douloureux d’écrire parce que tu es obligé d’être plausible. Et le fait de pouvoir dire que les choses vont aller dans l’autre sens, qu’il est possible désormais pour les israéliens de venir chercher des solutions et de l’amour au Maroc, pour moi, c’est extraordinaire, ça me remplit de bonheur !
Pensez-vous que l’Art peut changer les choses là où les politiques échouent ?
Absolument, je suis persuadé que l’Art a ce pouvoir de fédérer les gens et ce, quel que soit leur religion ou leur race. La politique a toujours échoué, elle ne dure qu’un moment donné, les présidents et premiers ministres changent, la politique évolue, ce qui ne change pas, c’est le désir des gens à vivre en paix et en harmonie.
Après « Kandisha », vous avez réalisé un autre film d’horreur « The 16th épisode » qui est sorti en 2019 aux USA. Pourquoi cette attirance pour ce genre cinématographique ?
J’adore l’horreur et je continuerais toujours à en faire, c’est un genre qui me distrait et qui est complètement en opposition avec mes projets personnels. C’est un besoin viscéral chez moi de réaliser des films d’horreur. Je trouve que ça véhicule aussi des sentiments, comme la peur, les phobies… J’ai toujours essayé à travers mes films de donner de l’amour, de la joie, de la peur…j’aime faire peur, faire rire, c’est presque vital pour moi, c’est comme un 2ème exercice.
La peur me permet d’exorciser mes démons, mes phobies…c’est presque thérapeutique.
Le film a été une véritable réussite commerciale aux USA. Il sortira bientôt au Maroc quand la situation sanitaire le permettra.
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via Abdo El Rhazi Jérôme Cohen OLivar. « L’amour est la plus belle des religions »
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