La participation du ministre d’État émirati aux Affaires étrangères à la visioconférence du groupe de défense du Comité juif américain (AJC) a marqué les esprits. «Les Émirats arabes unis peuvent travailler avec Israël dans certains domaines, notamment la lutte contre le nouveau coronavirus et la technologie, tout en ayant des divergences politiques avec l’État», avait lancé Anwar Gargash à cette occasion. Pour lui, le dialogue avec Israël est important et donnerait de meilleurs résultats que le boycott systématique.
Dans le même sens, l’ambassadeur des Émirats arabes unis aux États-Unis vient de confirmer ce changement de paradigmes en s’adression à l’opinion publique israélienne dans l’un de ses propres grands médias. Yousef Al-Otaiba a publié récemment une tribune dans le journal israélien Yedioth Ahronoth où il avertissait que le plan israélien d’annexer des parties de la Cisjordanie occupée entraverait toute possibilité de dialogue arabo-israélien.
Intitulant sa tribune « Soit l’annexion ou la normalisation », le diplomate rappelle que jusqu’à récemment, les dirigeants israéliens parlaient avec enthousiasme de la normalisation avec les Émirats arabes unis et d’autres pays arabes. «Mais le plan d’annexion israélien contredit ces intentions», note-t-il.
Le timing choisi pour le lancement des appels du ministre Anwar Gargash et de l’ambassadeur Yousef Al-Otaiba n’est pas fortuit. Pour rappel, le gouvernement israélien d’union dirigé par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s’était engagé au printemps dernier à annoncer, à partir de ce début juillet, sa stratégie pour mettre en œuvre ce projet proposé par l’administration Trump dans le cadre du plan de paix américain. Il prévoit l’annexion par Israël de colonies et de la vallée du Jourdain en Cisjordanie, territoire occupé depuis 1967 par l’Etat hébreu, et la création d’un Etat palestinien démilitarisé sur un territoire restreint avec la Cisjordanie et la bande de Gaza, distantes d’une cinquantaine de km, reliées par un corridor.
C’est ce plan d’annexion qui a fait sortir, hier, mercredi 1er juillet 2020, dans les rues de la bande de Gaza, des milliers de Palestiniens. Malgré la recrudescence des cas de Covid-19 en Palestine, ils ont exprimé leur colère face contre le projet d’annexion.
Bien avant ces manifestations, Yousef Al-Otaiba, qui était parmi les rares ambassadeurs arabes présents lorsque Trump avait annoncé les détails de son plan de paix, avait souligné dans sa tribune que l’annexion « va certainement et immédiatement saper les aspirations d’Israël à améliorer aussi bien sa sécurité que ses relations économiques et culturelles avec le monde arabe et les Émirats arabes unis ».
Le diplomate avait clairement expliqué que la poursuite des discussions sur un quelconque dialogue ne pourrait être qu’un faux espoir sans l’amélioration des relations avec les pays arabes. D’ailleurs, les pays arabes, à l’exception de l’Égypte et de la Jordanie, qui ont signé un accord de paix avec Israël, ont fait du règlement du conflit israélo-palestinien une condition pour normaliser leurs relations avec l’État arabe. Même les Émirats arabes unis n’ont pas de relations diplomatiques avec Israël, comme la plupart des pays arabes.
Le diplomate émirati met en émoi un ministre israélien
«Dans un appel direct adressé par l’émissaire des Émirats arabes unis aux États-Unis, l’Ambassadeur Yousef al-Otaiba a suscité en moi et beaucoup de mes concitoyens israéliens beaucoup d’intérêt et d’excitation», écrit Itzik Shmuli dans une tribune. Le ministre du Travail et des Affaires sociales estime que l’initiative du diplomate émirati démontre non seulement sa détermination et son courage d’œuvrer pour le maintier la stabilité, la promotion de la paix et la normalisation de la situation au Moyen-Orient, mais également le degré d’engagement des Émirats arabes unis dans cette perspective.
«Un tel leadership est à la fois vital et essentiel pour surmonter les cycles d’aliénation, de suspicion et d’animosité persistante endémiques à notre région», poursuit Itzik Shmuli. Et ce dernier d’ajouter: «L’existence même des importants accords de paix entre l’Égypte, la Jordanie et Israël et les bonnes relations qu’Israël entretient avec les pays voisins de notre région prouvent qu’il est possible de transformer un rêve en réalité».
Shmuli rappelle le contexte difficile dans lequel ont toujours évolué les relations israélo-arabes, avant de se prononcer sur «l’accord du siècle». Pour lui, cet accord, présenté par le président des États-Unis, Donald Trump, est un point de référence qui, avec d’autres plans, a la capacité de relancer et de relancer les négociations. «Ce n’est pas un plan de paix signé, et à côté de l’engagement réel de M. Kushner à le soutenir et à le promouvoir, sa force réside dans sa capacité à servir de base de négociation si nous dépassons les entraves de l’impossible et de l’inacceptable, et si nous travaillons pour parvenir à une véritable paix sur la base d’une solution à deux États», affirme-t-il.
Craintes et espoirs
«De nombreuses voix en Israël et au sein de son gouvernement ne soutiennent pas des mesures radicales, non coordonnées et controversées qui pourraient facilement conduire, dans un avenir immédiat, à une escalade incontrôlable, à l’effondrement de l’accord de paix avec la Jordanie et à un gel des relations avec les autres pays de la région. Le tout à une époque où le monde est déjà confronté à une crise économique et sanitaire. À long terme, cela pourrait enfin verrouiller la porte à toute possibilité de négociations directes entre Israël et les Palestiniens et sceller le sort d’un accord de paix de notre vivant», craint Itzik Shmuli.
Le ministre israélien montre qu’il garde espoir. «En Israël, il y a une prise de conscience et une internalisation croissantes de l’énorme potentiel des relations entre Israël et ses voisins à un moment où nous partageons de nombreuses opportunités communes et sommes confrontés aux mêmes défis et dangers. Cette vision est basée sur le fait qu’Israël n’est pas l’ennemi du monde arabe, mais un partenaire potentiel, et avec lequel les nations arabes peuvent partager des relations chaleureuses, ouvertes et toujours plus fortes», insiste-t-il.
Shmuli pense qu’il est certainement possible de promouvoir une initiative, basée sur la réciprocité, qui serait fondée sur un regain de confiance et la bonne volonté des deux parties dans le but de réduire les tensions et de reprendre les négociations possibles. Dans le même sens, il voit qu’il est toujours possible de parvenir à un accord de paix, parrainé par les États-Unis, et soutenu par le monde arabe et l’ensemble de la communauté internationale.
Itzik Shmuli croit en l’«accord du siècle», qui présente à ses yeux, un grand potentiel «pour ressusciter la possibilité d’un accord sur la base des principes cardinaux, ainsi que les termes qui forment la base de l’Initiative de paix arabe visant une solution à deux États.»
L’alternative
Pour le ministre Itzik Shmuli, «la meilleure voie à suivre est celle d’un processus intérimaire convenu, coordonné et mutuellement bénéfique, qui serait suivie d’une intensification de la coordination entre Israël et les États de la région». Il estime que les dirigeants du monde arabe ont la capacité d’aider à encourager les Palestiniens à retourner à la table des négociations avec la conviction que «l’accord du siècle» offre un point de départ bénéfique et créatif pour entamer des négociations entre les parties pour la recherche d’un accord définitif.
Si, malgré tout, l’impasse persistait, Shmuli propose aux Israéliens et aux pays arabes, d’assumer leurs responsabilités, en cherchant une alternative, sous l’égide des États-Unis et avec un large consensus international. C’est le seul moyen de parvenir, notamment, à «dessiner des frontières définitives et en à trouver des réponses aux questions essentielles».
Itzik Shmuli souligne que «le refus de l’une ou l’autre partie de participer à des négociations directes est, en fait, un veto périlleux pour l’avenir de nos enfants que personne n’a le droit de prendre sur lui-même».
Le ministre termine sa tribune en rappelant la coopération entre certains pays arabes et Israël pour faire face à la crise du Covid-19. «Cette crise, poursuit-il, a montré clairement que de nombreux domaines de coopération s’offraient à nous. Plus nous en serons conscients, plus nous découvrirons que nous sommes du même côté face aux mêmes défis.»
En se référant aux récits de Benjamin de Tudela, célèbre voyageur juif de l’époque médiévale du XIIe siècle, le ministre Shmuli conclut: «il est maintenant temps d’écrire ensemble un nouveau livre sur notre région. Il n’y a plus besoin de voyageurs errants, mais de dirigeants courageux qui mèneront leur peuple vers un havre de paix et de normalisation.»
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via Abdo El Rhazi Conflit israélo-palestinien: Des voix prônent la paix alors que la colère gronde à Gaza
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