Réputée pour ses totems colorés et monumentaux et ses jeux d’optique, Ghizlane Agzenaï nous parle de ses œuvres exposées à la 193 Gallery à Paris dans le cadre de l’exposition collective Colors of Abstraction 2 aux côtés de l’artiste franco-chilo-brésilienne Valentina Canseco et de l’ivoirien Jean Servais Somian. Du 3 au 31 Mars 2021.
Par Kawtar Firdaous
Tel un passeur d’art, l’artiste tangéroise Ghizlane Agzenaï voit ses gestes transcender les époques, les frontières et les territoires au nom d’une mémoire.
Ses toiles aux couleurs éclatantes et ses sculptures murales en bois exposées à la 193 Gallery à Paris dénotent une philosophie de vie positive chère à l’artiste. « Ces totems qui par définition représentent des esprits bienveillants, sont avant tout porteurs d’un message d’espoir, d’amour et de lumière et je trouve qu’ils collent parfaitement avec ma vision optimiste de voir le monde », nous confie Ghizlane Agzenaï qui vise à transmettre une énergie positive à travers ses œuvres. « Je veux dire aux gens que tout est possible, qu’il faut garder la foi en la vie et être optimiste. Je pense que lorsqu’on arrive à se mettre dans un état positif, on attire le positif dans notre vie. Alors je créé des totems avec cet état d’esprit et cette énergie dans l’espoir que les personnes qui les verront ressentiront l’optimisme, la joie et l’amour que j’y ai mis ».
Pensée au fil d’un protocole d’assemblage, la couleur éclatante mène l’artiste d’un tableau à l’autre vers l’essor d’une couleur fondamentale qui s’exprime comme autant de personnages, de narrations, de compositions propres en quête d’un langage universel. Muse-monde, la peinture est ce médium qui lui permet de parler au plus grand nombre. « Pour moi, la peinture est le moyen que j’ai trouvé pour exprimer mon message. C’est un art merveilleux, plein de surprise, qui m’accompagne au quotidien et qui m’apporte beaucoup de bonheur. J’adore aussi découvrir la peinture d’autres artistes et leur démarche ».
Attirée par la magie de l’art optique, la cinétique et l’univers de la science-fiction, l’artiste qui a créé la surprise en avril 2020, avec sa projection murale « Emerge » sur l’un des plus hauts immeubles de la métropole casablancaise durant le premier confinement confie avoir un penchant particulier pour l’art urbain « J’adore l’art urbain pour son côté démocratique : il est accessible à tous puisqu’il est dans la rue. Les œuvres monumentales amènent de la vie dans les villes ».
Considérée comme l’héritière de l’Ecole de Casablanca, curieuse, touche à tout, elle décline ses travaux aux divers formats sur différents supports : mur, bois, carton, toile, électricité, métal. Ses oeuvres majeures oscillent entre dessins muraux et multiples expositions en Europe et en Afrique.
En novembre 2020, elle présente l’exposition personnelle Emerge Reloaded à La Galerie 38 à Casablanca. Entre 2019 et 2018, elle habille le mur de Vigo Ciudade Color, l’US Barcelona, le Mural Harbor en Autriche, le Mur d’Oberkampf à Paris. Elle participe au Festival Jidar au Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain à Rabat. Elle présente l’exposition personnelle Totem au sein de La Galerie 38 à Casablanca et en 2017 What the weekend is 2, Alte Munze à Berlin.
Colors of Abstraction 2
L’exposition Colors of Abstraction 2 dont la curatrice est Fouzia Maarouf est une traversée au confluent de la peinture, de la sculpture et du design qui trouve son point d’orgue dans une exploration de la couleur qui la mène vers l’abstraction : à la croisée des espaces, des continents africain, européen et sud-américain. Ghizlane Agzenaï (Maroc), Valentina Canseco (Chili-Brésil-France) et Jean Servais Somian (Côte d’Ivoire) sont des passeurs d’art hors du commun dont les gestes transcendent les frontières au nom d’une mémoire.
Alchimistes, maîtres de la couleur, plasticiens, ils orientent des variations et décryptent des signes autour d’une déambulation libre, colorée et contemporaine aux sources de l’abstraction. Ils rappellent en creux l’éveil d’un courant né au début du XXe siècle par des fulgurances de fauvisme, de cubisme, d’expressionisme figuratif.
D’un Tout-Monde à un Tout-Village cher à Edouard Glissant. Sommes-nous dans le sillage et le tracé de la Nouvelle Figuration dite néo-fauve ou néo-expressionniste, dont l’apparition se fait jour au cours des années 80 ? Déjà au milieu des années 90 où certaines expositions incarnaient une nouvelle tendance, le renouveau de l’abstraction ?
Avec le rouge de Jean Servais Somian, la ligne couleur déploie son lieu inaugural pour aller au-delà de l’abstraction au coeur de la texture dans un corps à corps où le démiurge, est blotti au creux de son art. Au sein de son atelier situé en Côte d’Ivoire, au plus fort de la nature face à l’horizon bleu indigo perlé de vagues puissantes, le sculpteur est porté par le souffle et la force ardente d’une temporalité originelle : arbres de Grand-Bassam, âmes africaines, voix ancestrales animent l’artiste qui rêve et façonne d’anciennes pirogues vouées à l’abandon sur les innombrables plages. Son geste radical, obstiné, ravive la matière. Le bois retrouve toute son ampleur et sa plénitude.
Dès lors, les pirogues sont muées, magnifiées en sofas aux lignes minimalistes, pièces majeures mêlant sculpture et design. Un travail des mains fait avec le cœur aux sources de la terre des anciens, hommage au bois telle une matière incarnée en précieux alliage constellé de stigmates colorés car le palmier comme le bois d’ébène ou encore le bois de cocotier se travaille au calme. Par-delà la dimension créatrice, Jean Servais Somian impose un autre espace. Abidjan, Paris, Lausanne, des villes évocatrices d’exil, de création, de questionnement où il déroule tour à tour une scénographie entre mondes anciens et contemporains en traversant de multiples récits.
Tel un rituel, il pose chaque jour une pierre angulaire à l’édifice de sa production singulière insufflant des formes épurées reliant la continuité de ses oeuvres à l’Afrique à l’Europe et au Tout-Monde. Témoins, ses tabourets dentelés, tissés de couleurs vives, cousus d’art et de matière où la vivacité du rouge rappelle la tonalité de Rothko.
Parmi les couleurs célébrées au fil de Colors of Abstraction 2, le jaune décliné de Ghizlane Agzenaï fait écho aux jaunes de Jean Servais Somian comme aux Jaunes majeurs, Jaunes d’or jusqu’à l’Or de la série Eclats (2004) de Monique Frydman de la fin des années 80.
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via Abdo El Rhazi Ghizlane Agzenaï ou le renouveau de l’abstraction
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