Saïd Mouline, Directeur Général de l’Agence marocaine de l’efficacité énergétique (AMEE)
Personnalité incontournable dans les domaines des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique, Saïd Mouline fait le point sur certaines avancées réalisées.
Le patron de l’AMEE s’arrête aussi sur l’exemple exceptionnel que représente la ville nouvelle de Benguérir.
Entretien réalisé par Fatima-Zohra Jdily
L’Observateur du Maroc et d’Afrique : La transition énergétique est au centre des priorités au Maroc. Pourriez-vous nous parler de la stratégie mise en place pour réussir cette transition ?
Saïd Mouline : C’est une stratégie qui a été décidée au plus haut niveau de l’État en 2009. La lettre royale était très claire : priorité aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique. Cette vision a été déroulée ensuite sous forme de textes de loi, de réglementations sur les énergies renouvelables et sur l’efficacité énergétique. Des agences dédiées ont été créées. Je vous rappelle que l’AMEE, l’Agence marocaine pour l’efficace énergétique, est l’ancienne ADEREE que notre pays avait décidé d’instaurer en 1982 après le deuxième choc pétrolier. Il s’agit d’un centre dédié aux énergies renouvelables. Comme vous pouvez le constater, il y a une histoire derrière tout cela. Mais surtout depuis 2009, une politique d’efficacité énergétique dans cinq grands secteurs a été lancée. Il s’agit de l’industrie, du transport, du bâtiment, des villes avec l’éclairage public et de l’agriculture. Dans tous ces secteurs, il était important d’avoir une action pour arrêter de gaspiller de l’énergie. Cette démarche s’inscrit dans notre stratégie nationale de développement durable.
Je signale, que très récemment, notre Agence est passée sous la tutelle du ministère de l’Industrie, du commerce, de l’économie verte et numérique où elle est, aujourd’hui, en charge de l’économie verte, de l’efficacité pratique tant en ce qui concerne la mobilité durable que la production propre dans l’industrie. C’est très important aujourd’hui de voir que tout le monde est concerné par l’efficacité énergétique et par cette transition vers une économie verte et vers des économies décarbonées.
Qu’en est-il du degré d’adhésion des différents départements ministériels à cette stratégie ?
L’AMEE a signé plusieurs conventions avec différents ministères, dans un esprit d’exemplarité de l’État. Tout bâtiment public et toute flotte de l’administration doivent être mis à niveau. D’où l’engagement des ministères dans la stratégie nationale de développement durable. Nous accompagnons aujourd’hui un certain nombre d’entre eux. Il est très important de montrer que tout le monde est gagnant dans ce schéma. Quand on consomme mieux, c’est qu’on gaspille moins et on baisse donc la facture énergétique. Même économiquement, c’est important. Au-delà de l’aspect environnemental, il ne faut pas perdre de vue l’aspect social puisque des emplois se développent. Donc on gagne à tous les niveaux.
Quid du secteur privé ?
Il y a en effet trois acteurs : le secteur public, le privé et la société civile. Tous sont concernés. J’ai eu la chance de présider la commission du partenariat public-privé lors de la COP22 et j’ai pu constater le haut degré d’engagement du secteur privé. Au sein de la CGEM, il y a une commission dédiée à l’économie verte avec qui nous travaillons, en tant qu’AMEE, en étroite collaboration. Nous voyons que les différentes fédérations sont toutes concernés par cette transition vers l’économie verte. C’est un modèle pour tout le monde et tout le monde y a intérêt. L’avantage aujourd’hui, avec l’efficacité énergétiques, avec les énergies renouvelables qui deviennent de moins en moins chères, c’est qu’elles aident notre industrie à être décarbonnées, tout en renforçant sa compétitivité grâce à une baisse conséquente de la facture énergétique. Il y a aussi ce point important concernant en particulier le secteur financier privé : l’AMEE a signé plusieurs conventions avec des banques locales. Sur cette base, il y a, aujourd’hui, des lignes dédiées à la transition vers l’économie verte. Il y a un programme que nous avons mené avec le ministère de l’Industrie et Maroc PME qui s’appelle « Tatwir Vert » pour aider toutes les entreprises à opter pour des investissements verts, avec des subventions importantes. Il y a aussi des lignes dédiées qui ont été mises en place avec nos partenaires européens et des banques locales.
Y a-t-il une place dans la stratégie verte du Royaume pour la recherche et le développement ?
Tout a été prévu dans la stratégie nationale, aussi bien le volet financement, que celui industriel. Aujourd’hui, 70% des composantes d’une éolienne sont fabriqués au Maroc. Et il y a bien sûr la R&D qui est très important. C’est pour cela qu’a été créé l’Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles (IRESEN) dans le but d’établir le lien entre les universités, les acteurs privés et l’État qui accompagne avec des bourses de projets. L’AMEE est membre du conseil d’administration de cet institut, avec bien d’autres partenaires.
Des résultats concrets ont été déjà réalisés. Il n’y a pas longtemps, au ministère de l’Industrie, nous avons inauguré la borne de recharge électrique marocaine, développée par l’IRESEN, pour les voitures électriques. D’autres produits ont été fabriqués localement pour réduire nos importations.
Quel regard portez-vous à la Ville Vertes Mohammed VI de Benguérir ?
Nous avons dans notre pays plusieurs villes phosphatières. Toutes, aujourd’hui, ont vu naitre des projets exceptionnels grâce au groupe OCP. Le développement d’une région ne se réalise pas seulement par l’industrie minière, mais par le savoir, par la recherche et le développement. C’est un tout. Vous avez cité la ville verte de Benguérir, et c’est un exemple exceptionnel. Il y a un peu plus de dix, on ne voyait pas du tout ce qui allait donner ce projet et on voit aujourd’hui les résultats aux niveaux de la formation et de l’éducation. Du lycée d’excellence jusqu’aux nouvelles façons de former, c’est, encore une fois, exceptionnel à tous les niveaux.
J’ai eu la chance de visiter, récemment, une présentation du groupe OCP et de l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), c’est vraiment exceptionnel ! c’est un exemple édifiant donné dans notre pays qui conforte l’engagement sociétal du groupe OCP.
Regardez ce que fait également ce groupe à Boukraa, à Laâyoune, à Khouribga, ou encore à Youssoufia. Je ne vais pas citer toutes les villes, mais il est clair que la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, ce n’est pas juste un mot. Lorsque c’est fait correctement, nous pouvons avoir des résultats exceptionnels avec une forte implication de la jeunesse de notre pays, et c’est très important.
Revenons à Benguérir, on ne peut pas ne pas parler du Green energy Park…
Le Green Energy Park c’est l’OCP avec l’IRESEN où l’AMEE, comme déjà souligné, est membre du conseil d’administration. Nous accompagnons donc toutes ces initiatives dont les bienfaits dépassent le cadre national.
Je donne à titre d’exemple le Solar Decathlon qui avait réuni des jeunes de toute l’Afrique à Benguérir. Ils ont pu à cette occasion montrer leur capacité à bâtir des maisons du futur. C’est là une démonstration du génie marocain et africain dans un continent où il y a encore 600 millions de citoyens sans électricité. Donc, l’orientation marocaine portée au plus haut niveau de l’État, et bien expliquée lors du Sommet des chefs d’États africains qui a eu lieu lors de la COP22, nous invites, nous citoyens africains, à prendre notre destin en main pour créer de nouvelles solutions en matières d’énergie, d’agriculture, de lutte contre la déforestation et de la désertification. Notre continent a d’énormes atouts et c’est ce qu’on a montré à partir de Benguerir et donc du Maroc. Aujourd’hui, des solutions nouvelles peuvent être déployées sur tout le continent, à condition d’abord de renforcer les compétences locales. Et c’est là tout l’esprit fondateur du centre de l’UM6P. C’est dans ce même esprit que nous avons lancé, en tant qu’AMEE et en prtenariat avec l’Unesco, un centre à Marrakech pour le développement de l’énergie solaire en Afrique. C’est un lieu de formation des jeunes qui apprennent à installer correctement des pompes solaires et à les entretenir correctement. En somme, lorsqu’on a une volonté politique lorsqu’on a des institutions, lorsqu’on a une gouvernance, et lorsqu’on a les modèles de formation, nous arrivons à atteindre les objectifs que nous escomptons. Grâce à la vision Royale, notre pays montre l’exemple aujourd’hui à son continent.
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via Abdo El Rhazi «La Ville Verte Mohammed VI de Benguérir est un exemple exceptionnel»
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