Monday, February 1, 2021

MALCA. « Le Marocain doit être conscient de la globalité de son histoire »

Rendu célèbre grâce à son tube She gets too high sorti en 2015 puis Casablanca Jungle (2017), le chanteur et producteur marocain d’origine juive Malca est réputé pour sa musique « pop alternative » mêlant subtilement pop électro inspirée des années 80 et rythmiques populaires marocaines.

 

Passionné par Frank Ocean, Prince et Cheb Hasni, Malca nous parle de son dernier spectacle en hommage à Prince ainsi que de son ressenti quant au dernier rapprochement Maroc-Israël.

 

 

 

 

 

En tant qu’artiste juif marocain, qu’est-ce que le rapprochement Maroc-Israël va changer pour les artistes d’origine juive ou pas ?

 

C’est un accord qui peut être positif pour les deux pays et ce rapprochement va clairement permettre à la communauté d’origine marocaine de venir plus régulièrement visiter leur pays d’origine et de se sentir plus légitime mais je ne pense pas qu’il y aura de retour concret en terre marocaine. Quant aux échanges artistiques, pour moi cela fait bien longtemps que la culture et l’art n’a plus de frontière, on peut tous se connecter, apprendre de l’autre et être curieux et cela n’a rien à voir avec des accords de politiciens.

 

L’histoire de la communauté juive est désormais enseignée à l’école au Maroc. Que pensez-vous de cette initiative ?

 

 

 

 

 

La culture juive marocaine est très méconnue mais au même titre que la culture Amazigh, cela me parait essentiel que le Marocain de toute classe sociale soit conscient de la globalité de son histoire riche et complexe. Je pense que si vous sortez des grandes villes et que vous demandez à des jeunes adultes s’ils savent qu’il y a eu une vie juive dans ce pays, beaucoup vous diront non. Donc, si cela peut donner quelques clés de compréhension à de nouvelles générations tant mieux. Mais encore une fois, j’observe énormément la jeunesse marocaine et ce n’est pas à l’école qu’elle se fera sa culture mais probablement plus sur internet.

 

En 2019, vous avez participé au projet Echoes of Prince -spectacle en hommage à Prince-. Qu’est-ce que ça fait de s’attaquer à une légende ?

 

Depuis que je suis petit, j’adore Prince, j’avais un poster dans ma chambre alors quand on m’a proposé de l’interpréter pour la création d’un Opéra Rock sur Prince. Au début je n’ai pas osé dire oui car la marche me paraissait trop haute pour le petit gars de Casablanca que je suis. Mais finalement, je me suis lancé avec le groupe et en 2018/2019, j’ai vécu probablement mes plus belles expériences de concerts de ma vie, à faire une tournée avec une superbe équipe devant un public de tout âge et de pleins de nationalités différentes. J’ai adoré jouer en Angleterre c’était un rêve, et 99% du temps le public a trouvé ça génial. C’était un vrai challenge réussit.

 

Les artistes ont été lourdement impactés par la crise sanitaire liée au Covid. Comment avez-vous vécu les confinements répétitifs et cette période particulière ?

 

 

 

 

Cela a été une période très dure moralement mais à la fois très créative. Je dois avouer que j’ai adoré le premier confinement, c’était certes extrêmement anxiogène, mais j’ai aimé ce mouvement solidaire où l’on a pu tous vivre une expérience collective, je trouvais ça assez beau. Mais en effet, on pensait tous que cela durerait le temps d’un trimestre avant de retrouver notre vie et notre métier. On a du reporter 3 fois des dates de concerts avant de finalement les annuler, cela remet en question notre modèle. Et clairement, se sentir comme non essentiel à la société, ça peut parfois nous faire poser quelques questions sur notre métier et sur comment il est vu socialement.

Je vis en France depuis quelques années et dans ce pays, il y a ce concept d’exception culturelle qui fait qu’on est très aidé financièrement. Ceci étant, mettez-vous à la place du musicien de scène marocain qui n’a que la musique dans sa vie, pour lui c’est un véritable drame !

 

Pendant le confinement, vous avez diffusé sur Facebook une reprise de la chanson « Didi » de Cheb Khaled, ainsi qu’une chanson que vous avez composé avec un clavier de Barbie ?

 

Oui, je suis généralement assez discret sur les réseaux sociaux et finalement l’ennui du premier confinement m’a amené à essayer de nouvelles choses. Je me suis beaucoup amusé à faire ces vidéos très imparfaites mais sincères, peut-être que je les sortirais plus tard de façon plus officielle.

 

Votre musique Pop et Electro mêle sons arabes (chaâbi…), juifs (folklore) et orientaux… En 5 ans de carrière, pensez-vous continuer sur cette même lignée ou est-ce que vous pensez évoluer vers un autre style ?

 

Honnêtement, je fais de la musique comme un peintre à qui on donne carte blanche, j’ai une logique pop mais pas de logique commerciale, genre : « qui m’aime me suit ». C’est important pour moi de rester très libre et sincère dans ce que je fais, je n’arriverai pas à me travestir pour rentrer dans un format, j’ai essayé mais mon corps, mon esprit me l’interdit et cela m’a beaucoup fait souffrir d’essayer. Donc oui, je chante en anglais, parfois en français ou en darija et pourquoi pas demain en italien et en japonais ! Ma musique est simplement le reflet de ma culture, de mes rencontres, de mes doutes et angoisses. Ce qui est sûr c’est que je ne me donne pas de limite de genre, je pense que les années 2020’s vont voir disparaître les cases que l’on connait. Qui pensait il y a 10 ans que l’urbain serait la nouvelle pop ?

 

Dans le clip « Shalom », vous abordez le thème du métissage religieux et culturel. Le Maroc est un exemple de tolérance et d’ouverture dans le monde entier. Est-ce que vous pensez que l’art a le pouvoir de changer les choses là où le politique a échoué ?

 

 

 

 

Au Maroc, il faudrait déjà que l’art soit considéré en tant que tel par notre société pour qu’il puisse se passer quelque chose, donc je ne pense pas que l’art puisse être pour l’instant acteur du changement. Il y a d’ailleurs concrètement très peu d’artistes militants ou porteurs de messages. Et pour qu’il soit considéré, il faudrait qu’il y ait une vraie politique de valorisation culturelle au Maroc, ainsi qu’un véritable investissement au niveau associatif et éducatif et non des projets de grandes envergures comme des théâtres et des studios d’enregistrement qui ne sont que des coquilles vide réservées à des élites qui n’y vont même pas !

 

Dans les morceaux « Ya Layli » et « Wham », vous vous exprimez sur la condition des femmes. Vous considérez-vous comme un artiste féministe et engagé ?

 

J’essaie d’être mesuré dans mon engagement, je suis conscient qu’il faut être cohérent avec qui on est, notre vie du quotidien, nos familles. Je me permets de parler de certains sujets car je sais que je ne froisserai personne dans ma famille, ma mère est une femme forte et moderne et mon père est un modèle d’intelligence et de sensibilité. J’ai eu de la chance d’être éduqué dans ce schéma qui m’a amené à questionner mon monde en toute liberté, mais jamais je ne me permettrai d’imposer mon regard pour autant. Donc oui, je suis entre autres féministe et engagé socialement mais je préfère l’exprimer artistiquement avec subtilité et une pointe d’humour.

 

Vous avez grandi à Casablanca puis à l’âge de 19 ans, vous décidez de vous installer à Paris. Vous vous sentez plutôt casablancais ou parisien ?

 

 

 

Mes deux parents sont casablancais mais je suis né à Paris, puis j’ai grandi à Casablanca et je suis retourné à Paris après le bac pour y vivre. Je fais tellement d’allers-retours entre les deux villes que j’ai l’impression qu’il y a un tunnel qui les relie. Actuellement, j’ai vécu plus d’années à Casablanca qu’à Paris, et je dis toujours que je vais « rentrer » chez moi quand je parle de Casa donc en vrai, je me sens plus casablancais.

 

Vous êtes aussi producteur et vous travaillez des fois avec des rappeurs marocains. Comment choisissez-vous les groupes que vous produisez et pourquoi ?

 

Si on prend le projet Naar par exemple, il a été créé par mon collaborateur et ami Mohamed Sqalli, « Naar ». Il est né avec l’éclosion de la Trap Marocaine et « Safar » (Voyage) est un album Ovni que j’ai adoré co-produire, il est actuellement l’album marocain le plus streamé sur Spotify. Quant aux artistes avec qui je collabore, on me choisit plus souvent que je ne choisis alors il m’arrive de refuser assez régulièrement des projets, mais c’est vrai que j’adorerais travailler avec une jeune pépite avec qui je pourrais construire une véritable identité. Bref, envoyez-moi vos projets.

 

A part la Musique, qu’aimez-vous faire dans la vie ?

 

J’aime énormément la mode, le cinéma, mais aussi le monde des affaires. Il n’est pas impossible qu’un jour je me lance si je trouve les bons partenaires et le bon projet.

 

Comptez-vous faire du cinéma un jour ?

 

J’ai toujours rêvé de passer derrière la caméra un jour. J’apprends en ce moment, j’adorerais faire un teenage movie sur la jeunesse casablancaise.

 

Des projets ?

 

Cela fait plus de deux ans que je travaille régulièrement en tant que producteur pour de nombreux artistes en France et aux USA et parfois au Maroc mais malheureusement, à cause de la crise sanitaire, la plupart des artistes que j’ai produit cette année ont reporté leurs sorties ! J’espère que ces projets verront le jour en 2021. Quant à mon projet solo, j’ai mis beaucoup de temps avant de trouver une idée aussi forte que « Casablanca Jungle » mais on est bientôt prêt à revenir et je souhaite rester très secret sur le sujet, je tiens à que cela soit une expérience inédite pour le public et pour moi aussi.

 

LIRE AUSSI :

« Girl ». Le nouveau single de Desert May Bloom

 

Cet article MALCA. « Le Marocain doit être conscient de la globalité de son histoire » est apparu en premier sur .



via Abdo El Rhazi MALCA. « Le Marocain doit être conscient de la globalité de son histoire »

No comments:

Post a Comment