Tuesday, April 3, 2018

Mouna Elouraoui : «Quand je peins, je rentre en transe»

Connue pour sa technique des doigts à la fois sensuelle et subtile, l’artiste engagée et adepte de la peinture informelle est particulièrement sensible à la cause féminine. Exposant ses dernières œuvres au Mazagan Beach and Golf Resort, elle nous explique son penchant pour la couleur bleue, une couleur divine qui lui sert de base à toutes ses toiles, miroir d’un ressenti où s’étalent injustice et maux de notre société.

Membre de l’Association Al Bel’Art et de la Colombe d’Espoir (Association marocaine contre le cancer et pour l’entraide sociale) et membre fondateur de Fous d’Art Group, Mouna Elouraoui travaille aussi bien l’aquarelle, l’acrylique que l’huile sur toile. Sur ses œuvres, elle laisse agir la couleur tel un affrontement à la lisière de chaque teinte pendant que de subtiles transparences se créent dans des limites indistinctes.

Accent d’un certain lyrisme, la couleur s’entend en attouchement coloré de part et d’autre pour finalement se relâcher dans une verve toute personnelle, libre de toute contrainte. L’artiste fait de ses toiles une immense palette où se heurtent librement des pans de couleurs exaltées. Ainsi se construit son univers saisissant, tirant de lui-même sa lumière et sa justification.

D’où vous vient cette passion pour la peinture ?

J’ai toujours été passionnée de peinture. C’est une chose qui a toujours été omniprésente dans ma vie. En fait, j’estime qu’en chacun de nous, il y a une graine d’artiste qui sommeille à l’intérieur. Le plus dur, c’est de l’entretenir et d’avoir le courage de le faire. L’artiste lui, s’auto-analyse, du coup, il est beaucoup plus franc et plus dur envers lui-même.

Parlez-nous un peu de votre technique ?

 J’ai fait l’école des Beaux-arts à Casablanca puis à Tétouan, donc j’ai eu une formation plutôt académique, mais à un moment donné, je me suis sentie prise dans un étau, j’avais du mal à respirer. Et la technique que j’utilise s’est exprimée d’elle-même, du coup, j’ai balancé la palette, j’ai un peu refoulé et mis de côté la touche académique sans pour autant la négliger. J’ai commencé à travailler avec mes doigts et j’avoue que les couleurs se sont étalées naturellement. En fait, c’est une technique assez libératrice parce qu’il n’y a plus remparts ! Vous savez, quand je peins, je rentre pratiquement en transe, le monde a beau s’écrouler autour de moi, je ne le ressens plus ! C’est comme si je faisais partie intégrante de la toile. Je peins puis, par la suite, la toile me rejette. Une fois finie, c’est comme une sorte d’enfantement ; quand un bébé est accompli, c’est lui qui s’expulse. Du coup, à la fin, c’est la toile qui m’expulse en quelque sorte !

Pourquoi le bleu ?

 Le bleu est divin. C’est une couleur insaisissable, ça reflète tout ce que l’homme ne peut accomplir : la mer, l’espace, le ciel,… c’est une couleur de l’âme, une couleur qui exprime nos sentiments, nos blessures, …. A la base de chacune de mes toiles, vous trouverez toujours du bleu, par la suite, d’autres couleurs viennent se superposer, des fois jusqu’au point de camoufler complètement le bleu, mais au fond de moi, je le ressens toujours.

Qu’est ce qui vous inspire ?

C’est plus qu’une inspiration, c’est une sensation, c’est quelque chose de très fort qui sort. Ceci étant, l’inspiration est omniprésente, c’est plutôt une force qui rejaillit, qui ressort et qui se fixe sur la toile. Ce sont des moments forts, intenses que je vis au quotidien, quand il y a une peine, une injustice, c’est dans mes toiles que je les étale. La couleur sort de mon corps vers la toile, donc, en fait, c’est mon corps qui s’exprime directement sur la toile.

Vous êtes très sensible à la cause de la femme dans nos sociétés et ça se ressent dans vos toiles ?

Oui, je suis sensible à toute forme d’injustice. Je le ressens dans mon corps, mon âme, et je trouve qu’il y a une grande injustice envers la femme, elle manque de considération et de respect. Pourtant, elle est capable de soulever le toit du monde ! Personnellement, je considère la violence envers la femme comme une faiblesse et non une force !

Comment cette touche féminine s’exprime-t-elle dans vos toiles ?

Ce ressenti d’injustice est en moi, donc, il ressort forcément dans mes toiles. Ceci dit, mes travaux ne sont pas réfléchis, c’est intuitif. Quand un sujet me touche, c’est comme un poison qui me mine et donc, il faut que ça sorte. Il y a toujours la frustration et le point noir qui ressort en premier lieu, je ne fais que les dompter en les couchant sur le tableau.

Des artistes que vous admirez ?

J’ai une grande admiration pour les femmes combattantes, comme Frida. Elle a combattu jusqu’au bout sans jamais fléchir malgré son handicap et son corps qui la lâchait. En fait, j’aime toute femme qui combat et qui se démène pour une bonne cause. D’ailleurs, un de mes tableaux parle des femmes que je respecte et auxquelles je m’identifie. Des femmes féministes battantes, courageuses, fragiles, belles, pudiques, maternelle, artistes, élégantes, mystérieuses, sensuelles…des femmes qui ont percé malgré les difficultés de la vie, à l’image des fleurs qui éclosent dans la neige et qui sortent plus belles et plus fortes, telles que : Simone de Beauvoir, Sœur Thérésa, Frida, Chaibia, Zoulikha Naciri, Assiya Ouadi, Mama Habiba, Rosa Parks, (1ère femme afro-américaine qui a lutté contre la ségrégation raciale au USA)…

Votre devise ?

Combattre l’injustice dans n’importe quel domaine.

 

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via Abdo El Rhazi Mouna Elouraoui : «Quand je peins, je rentre en transe»

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