Les pays occidentaux qui ont une forte communauté musulmane ont tous le même objectif, à savoir prévenir la radicalisation. Des questions comme l’intégration ou le vivre-ensemble sont essentielles. Mais il faut aussi tarir les sources du phénomène. On a longtemps parlé des mosquées et des prisons comme des lieux où s’opère la radicalisation. Les faits ont démontré que ce n’était là que des phénomènes marginaux et que l’internet était le premier formateur, le premier recruteur de terroristes. Ceux-ci n’ont, le plus souvent, qu’un contact très récent avec la religion. Les frères Salah tenaient un bar à Bruxelles, et y vendaient du cannabis. Ce bar n’a été fermé que 10 jours avant les attentats de Paris où ils ont joué un rôle essentiel, puisque l’un s’est fait exploser, et l’autre, toujours en fuite, apparaît comme l’organisateur. Dans les mêmes attentats, la jeune fille abattue à Saint-Denis était, un mois auparavant, plus connue pour sa consommation de Vodka et ses sorties en boite, que par sa dévotion. Plus récemment, le 7 janvier, un individu a attaqué un poste de police, avec une ceinture factice, dans ce qui s’apparente à un suicide assisté, avec une revendication d’allégeance à Daech. C’était un SDF qui ne fréquentait pas de mosquée et qui n’avait pas non plus accès à internet. Nous sommes à l’évidence face à un nouveau profil de jihadistes, largement plus inquiétant. Il s’agit des jeunes délinquants ou désoeuvrés, en dissidence avec la société, qui choisissent le terrorisme, comme une vengeance, un moyen d’exprimer leur colère, leur ressentiment. Pour ces profils, la radicalisation n’est pas d’essence religieuse. Elle n’exprime pas une lecture particulière du Coran, celle de la Salafiya jihadia par exemple, mais beaucoup plus la haine du pays, de l’Occident. Les recruteurs ne perdent plus de temps à expliquer leurs théories religieuses, mais s’attachent à exalter la haine. Leur crédo c’est «regardez comment ils vous traitent, vous n’êtes pas acceptés, parce que vous êtes musulmans». Dans ce contexte, une décision comme celle prise par le gouvernement français sur la déchéance de la nationalité apparaît gravement inappropriée. Elle n’a aucune utilité dissuasive et elle alimente le sentiment, chez une partie de la population française, d’être des citoyens de seconde zone, ce qui renforce la portée du discours des sergentsrecruteurs. Nous savons tous que la hantise des sécuritaires c’est le phénomène dit les «loups solitaires». C’est-à-dire des individus agissant seuls, sans lien avec l’étranger. C’est une hantise, parce qu’ils sont indétectables. Maintenant que l’on sait que la radicalisation n’est pas nécessairement religieuse, même si elle en prend la forme, c’est encore moins détectable. C’est donc la lutte contre toutes les formes de stigmatisation, la création des conditions de l’intégration qui sont la réponse au phénomène terroriste et non pas le contraire. C’est en tous cas ce qui ressort du profilage des derniers événements survenus en Europe.
via Abdo El Rhazi Radicalisation, Une question épineuse
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