Monday, May 22, 2017

Libres cours

Les militaires, qui ont le droit de voter en Algérie, ont massivement mis des bulletins blancs dans les urnes lors des dernières législatives. Pareille attitude mérite explication et analyse. Auparavant, il faut souligner que ces élections n’ont pas drainé grand monde vers les bureaux de vote et ont été largement dénoncées par les partis autres que ceux qui sont au pouvoir. Le FLN de Abdelaziz Bouteflika qui noie son unicité dans un pseudo pluralisme, et son allié, le Rassemblement National Démocratique d’Ahmed Ouyahia qui occupe en même temps le poste de directeur du cabinet du président, ont remporté ces élections dans la défiance généralisée des électeurs algériens. Dès lors, ne serait-il pas tentant d’en déduire que les militaires, contraints par discipline de se rendre aux urnes, ont suivi cette défection en votant blanc ? C’est une lecture possible, mais qui expose les hommes de troupe, les sous-officiers et les officiers aux foudres d’une hiérarchie qui n’est pas réputée pour sa tendresse. Aussi peut-on conclure, comme l’ont relevé plusieurs observateurs, que le corps de l’armée a obéi à un mot d’ordre, le vote blanc, qui n’est pas dans les habitudes des militaires algériens, depuis toujours très impliqués dans l’ordonnancement politique de leur pays où ils trônent en faiseurs et défaiseurs de rois.

Dans l’opacité algérienne, il y a plusieurs façons de lire ce vote blanc des militaires. L’une d’elles est de supposer que le général Gaïd Salah, chef de l’Etat Major, signifie aux clans en lutte pour le pouvoir qu’il renvoie tout le monde dos à dos en s’arrogeant le droit, le moment venu, de faire prévaloir sa primauté à travers celle de l’armée. « Il en a toujours été ainsi et il n’y a aucune raison pour que ça change aujourd’hui », semble-t-il leur dire. La deuxième lecture, entre autres, est que le vote blanc est une manière de proclamer la neutralité de l’armée face aux différents prétendants. Elle a l’habitude de ce genre de subterfuges et de trompes l’oeil pour se placer au-dessus de la mêlée et de se positionner en gardienne du temple pour mieux le contrôler. On peut en conséquence voir dans son attitude aux dernières législatives plusieurs significations. Cependant, une seule chose est sûre : pas plus qu’hier, cette armée, qui n’a jamais reculé devant rien, même devant les pires atrocités, n’est pas prête aujourd’hui à céder une parcelle de ses pouvoirs. Chaque fois qu’ils ont été remis en cause, elle n’a pas hésité à tirer au propre comme au figuré. En 1992 lorsqu’elle a plongé le pays dans une longue guerre civile. Et plus récemment encore quand l’ancien secrétaire général du FLN, Amar Saadani, considéré alors comme l’homme du président, a prôné la construction d’un « Etat civil » avant d’être débarqué de son poste en octobre 2016. Son limogeage sans préavis a été interprété comme un signal fort du clan des généraux marquant les lignes à ne pas dépasser.



via Abdo El Rhazi Libres cours

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