Tuesday, June 13, 2017

Le Nord du Maroc : un enjeu méditerranéen 

Ahmed Charaï a publié cet article, ce mardi 13 juin, dans le quotidien espagnol à grand tirage El Mundo. Il vient rappeler le rôle que doit jouer l’Europe, et l’Espagne en particulier, dans le Nord du Maroc…

Le mouvement de protestation d’Al Hoceima, qui a duré plusieurs mois, n’interpelle pas uniquement les autorités marocaines. Cette région est au cœur de la coopération avec l’Europe du sud sur trois sujets fondamentaux : l’émigration clandestine, le trafic de drogue et le terrorisme.
L’Europe, l’Espagne en particulier, ne peut rester indifférente à une situation socio-économique qui peut dégénérer et qui est liée au combat contre les trois fléaux cités plus haut pour le Maroc. La situation est plus complexe parce que le Rif offre un contexte historique particulier. La révolte anticolonialiste menée par Abdelkrim El Khattabi cristallise la mémoire collective des Rifains.
A l’indépendance du pays, Abbas Messaadi, leader de l’armée de libération nationale au Rif a été assassiné, alors qu’il se rendait à un rendez-vous avec la direction politique du mouvement national, s’ensuivit une rébellion matée dans le sang, par l’armée.
Ceci a nourri une défiance envers l’Etat. Celui-ci a marginalisé la région, accélérant l’essor des activités illicites, drogue, contrebande et puis émigration clandestine.
Ce n’est qu’en 1999, après l’intronisation de Mohammed VI et le discours d’Ajdir qu’un large mouvement de réconciliation s’esquisse, au travers de la reconnaissance des droits amazighs et d’un volontarisme sur le terrain du développement économique.
Des investissements importants ont été réalisés sur les plans des infrastructures, routes, aéroports, ports et électrification rurale. Mais cet effort a eu trois handicaps. Le premier c’est que le retard accumulé durant la période de marginalisation était énorme. Le second c’est que la reconstruction d’Imzouren après le séisme a changé les priorités. Le troisième est lié aux accords avec l’Europe.
Les efforts du Maroc pour arrêter les flux migratoires et le trafic de drogue, reconnu par les dirigeants espagnols, a asséché des ressources financières qui alimentaient le circuit économique et créait des revenus, y compris licites.
On ne peut pas dire que la vision du développement a permis de remplacer des ressources en créant des emplois générateurs de revenus. Les villes du Nord et de l’Oriental ont beaucoup perdu du fait de la quasi-disparition de la contrebande après le désarmement douanier.
Tout cela mis ensemble, nous avons un effet pervers d’un choix vertueux. Lutter contre les fléaux a fragilisé les populations, parce que l’alternative proposée tarde à se mettre en place. Selon les autorités marocaines, les barons de la drogue, installés à l’étranger, ont financé le mouvement de protestation. Ceci donne à réfléchir.
Cette région doit devenir une zone de coopération économique Maroc-UE et surtout Maroc-Espagne, qui soit à la hauteur des enjeux. Mais ce n’est pas uniquement pour encourager le Maroc dans son combat contre les trois fléaux qu’elle s’impose. Les efforts du Maroc sur le plan des infrastructures et la proximité de l’Europe ont attiré des investissements dans le secteur automobile, mais pas plus.
Or, des secteurs d’activité, surtout des PME, ont intérêt à s’installer dans cette région, qui continue à offrir des avantages comparatifs sur les coûts des facteurs et notamment les salaires, l’usage de la langue espagnole, en plus de la proximité. C’est là où les pouvoirs publics des deux rives doivent mettre en place des systèmes incitatifs, capables de renforcer un maillage, à même de renforcer le décollage économique de cette région. C’est l’unique perspective viable, parce que le Maroc n’a pas les moyens, ni la volonté d’instaurer un système rentier pour acheter la paix sociale. Il est urgent d’en faire une évidence.



via Abdo El Rhazi Le Nord du Maroc : un enjeu méditerranéen 

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