Monday, September 25, 2017

Libre cours

Naïm Kamal

Naïm Kamal

Une viande rouge qui vire au vert, peut donner de la nausée. Et pas seulement physique, mais aussi politique. Le sacrifice de l’aïd, cette année, n’a jamais aussi bien porté son nom. C’est aussi Shun le mouton. Il joue des tours à ses égorgeurs, mais pas seulement. Les autres pas seulement, ce sont l’Algérie et le Maroc. Bien que je vive dans ce beau royaume, je n’en ai pas eu vent, mais il semblerait, selon le journal algérien Liberté, que « des responsables marocains, relayés largement par les réseaux sociaux, ont imputé les causes de la putréfaction de la viande des moutons à l’introduction frauduleuse de moutons d’Algérie dont la viande, ont-ils indiqué, est reconnue comme étant de qualité médiocre. » Pourquoi ?
Le journal Liberté apporte lui-même un début de réponse : « Après avoir affecté l’Algérie deux années consécutives, écrit-il, le phénomène de putréfaction de la viande de moutons, sacrifiés lors de l’Aïd El-Adha, s’est étendu au Maroc, conduisant de nombreuses familles à jeter les carcasses, impropres à la consommation. »
Mais le journal se ravise rapidement en assurant : « cette explication est complètement erronée, affirment des vétérinaires algériens, qui se sont rapprochés de notre rédaction. » Ces vétérinaires, que j’imagine casquettes, brodequins et galons, ont affirmé au journal que « La qualité organoleptique d’une viande n’est pas corrélative avec sa qualité hygiénique, ensuite de nombreuses études ont toutes conclu à la haute valeur organoleptique et gustative de la viande issue des différentes races de moutons d’Algérie, dont la Hamra de l’ouest nettement supérieure au Sardi qui est la principale race ovine du Maroc. » Là, j’apprends un nouveau mot, organoleptique, qui est, à en croire différents dictionnaires, « tout ce qui est susceptible d’exciter un récepteur sensoriel. Ainsi, l’apparence, l’odeur, le goût, la texture ou encore la consistance constituent les qualités organoleptiques d’un aliment ou d’une boisson ».
Pour le reste il n’y a rien de nouveau à l’est, tout ce qui vient de l’Algérie est naturellement supérieur à ce qui provient du Maroc.
En dépit de leur supériorité organoleptique, les vétos algériens concèdent à revenir à de meilleurs sentiments en relevant qu’outre « les mauvaises conditions d’hygiène et de conservation des carcasses, la piste des additifs alimentaires et de l’usage des hormones dans les aliments du bétail est privilégiée ». Au moins un point commun entre nos moutons qui transcende les frontières « fermées » de nos pays. De ce constat, ils déduisent qu’il « convient de mettre fin rapidement à cette polémique par une coordination entre les vétérinaires des deux pays dans la recherche des véritables causes de ce problème. » Un propos sensé qui nous offre une convergence positive pour qu’enfin on trouve un terrain d’entente susceptible de comporter en lui un bon augure.
Les animaux ont toujours constitué un possible liant pour les relations maroco-algériennes. Au milieu des années 80, c’est autour de la lutte contre les criquets pèlerins que Rabat et Alger ont repris langue. Il s’en est suivi la reprise des relations diplomatiques et une lune de miel entre Hassan II et Chadli Benjedid qui a duré jusqu’à la destitution de ce dernier en 1992. Ne dit-on pas jamais une sans deux ?



via Abdo El Rhazi Libre cours

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