Wednesday, September 30, 2020

Naima ou l’injustice territoriale

 

 

Provoquant un grand émoi sur les réseaux sociaux, la mort tragique de la petite Naima a suscité, de surcroît, un profond sentiment de dépit et de frustration. Les internautes en colère évoquent une discrimination géographique et une tenace injustice territoriale…

 

Par Hayat Kamal Idrissi

 

Au-delà du choc suscité par ce nouveau drame, le meurtre de la petite Naima Rouhi a provoqué une vague de colère sur la toile. Les raisons ? « Discrimination sociale et  géographique et sous-traitement de sa disparition car originaire du Maroc inutile et issue de milieux défavorisés », déplorent les internautes. Mais loin de tout emportement émotionnel, des réactions à chaud, l’affaire Naima est-elle une autre démonstration de l’injustice territoriale dans notre pays ?

Disparités

A en croire les chiffres du HCP et les affirmations de la société civile, tous les Marocains ne sont pas égaux… Et les enfants sont encore plus touchés par ces disparités ! «Le statut des enfants est nullement respecté. Pour un bon nombre d’enfants issus de milieux défavorisés, cette phase est brûlée. Les chiffres avancés par le HCP sont l’expression de la défaillance  des programmes et des projets de protection de l’enfance » fustige Omar Saâdoune responsable du programme de lutte contre le travail des enfants à l’Association Insaf. Une intervention faite suite à la publication par le HCP d’un rapport inédit sur le travail dangereux des enfants dans notre pays, datant de 2018.

Considéré comme la principale composante des pires formes d’activité exercée par cette catégorie d’âge de la population, le travail dangereux concerne au Maroc 193.000 enfants âgés de 7 à 17 ans soit  59% des enfants travailleurs et 2,9% de l’ensemble des enfants de cette tranche d’âge. Hic ! Ce type de travail est à 80% pratiqué dans le milieu rural. L’injustice territoriale est clairement illustrée par ce chiffre éloquent. En montagne, dans les campagnes, dans villages, dans les oasis et même dans les petites villes des régions reculées… les enfants sont des victimes notoires de disparités socio-économiques et géographiques.

Enfants, premières victimes de l’injustice territoriale

« Ces chiffres sont énormes et posent de grands points d’interrogation quant à la responsabilité de l’Etat dans la protection de ces enfants ; qui devraient en principe, être sur les bancs d’école au lieu de travailler dans des conditions dangereuses», s’insurge Omar Sâadoune. Pour ce dernier le travail des enfants n’est que le résultat logique de défaillances multidimensionnelles. Il pointe du doigt l’ampleur de l’écart entre le monde rural et le monde urbain, en général mais surtout lorsqu’il s’agit d’enfance.

«Les chiffres du HCP confirment ce constat : l’enclavement, l’injustice territoriale et la discrimination en termes de développement humain et économique entre la ville et la campagne», ajoute-t-il.

Pauvreté multidimensionnelle

En effet, si en milieu urbain, les enfants sont au nombre de 39.000 à exercer un travail dangereux, respectivement 86% des enfants au travail dans les villes et 1,1% de l’ensemble des enfants citadins. En milieu rural, ce nombre s’élève à 154.000, et représente respectivement 54,8% et 5,1%. Un énorme écart qui remet à jour la problématique de la justice territoriale et ses retombées sur les citoyens mais également sur l’avenir du pays. « En travaillant dans ces conditions, des milliers d’enfants resteront à l’écart de la société et de tout développement. Ils deviendront des marginaux et le resteront à vie. C’est l’avenir de notre pays qui est ainsi confisqué», regrette l’acteur associatif.

 

D’après les résultats d’une étude élaborée conjointement par l’Observatoire national du développement humain (ONDH), le ministère de la Famille, de la solidarité et du développement social et l’UNICEF, la pauvreté multidimensionnelle touche 39,7% des enfants âgés de 0-17 ans au Maroc. Autrement dit, 4 enfants sur 10 au Maroc sont privés d’au moins de deux dimensions essentielles de leur bien être. Sur les 4 enfants touchés, 3 vivent dans les zones rurales. Encore une démonstration chiffrée des écarts. Pénalisés de naissance,  ces enfants sont privés au moins d’une dimension importante de leur bien-être ( Santé, nutrition, éducation, accès à l’eau et à l’assainissement, logement décent, assurance médicale et moyens de communication et de l’information).

Ecarts creusés par la pandémie

« L’Etat d’urgence sanitaire et la crise liée à la pandémie ont creusé davantage les écarts entre les zones citadines et les régions montagneuses, rurales et reculées dans notre pays » nous affirme Dr Mohamed Dich, coordinateur national de la Coalition civile pour la montagne. Pauvreté, isolement et marginalisation socio-économique, au temps du Corona la situation dans ces régions s’empire. Evoquant les grands écarts socio-économiques entre les régions cloisonnées et le reste du pays, le coordinateur déplore l’aggravation de la situation en ces temps de crise liée au Coronavirus.

« Nous déplorons le grand taux de déperdition scolaire dans les villages reculés et même dans les quartiers pauvres de certaines villes où les élèves, n’ayant pas les outils nécessaires pour un apprentissage à distance. Ils sont  privés de leur droit à la scolarisation », s’insurge Dich. Une situation qui remet à jour la grande problématique de la justice territoriale et sape l’égalité des chances pour les élèves des différentes régions.

 

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via Abdo El Rhazi Naima ou l’injustice territoriale

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