Friday, October 23, 2015

L’Orchestre de minuit, Un confetti d’amour signé Jérôme Cohen Olivar

 

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‘Jérôme Cohen Olivar nous parle de son dernier film L’Orchestre de minuit*. Une comédie poétique, émotionnelle et nostalgique qui soulève avec beaucoup de tact la question de l’identité juive marocaine.’

C’est à travers le récit du célèbre violoniste judéo-marocain Marcel Abitbol, contraint de quitter son pays natal après la guerre du Kippour, que Jérôme Cohen Olivar a choisi de raconter une partie douloureuse de l’histoire juive du Maroc. Entre déchirure et incompréhension, le réalisateur nous livre une oeuvre poignante et bouleversante qui questionne sur le départ des juifs hors du pays.

L’observateur du Maroc et d’Afrique Pourquoi avoir choisi le récit de Marcel Abitbol « Botbol » pour raconter une partie de l’histoire juive du Maroc ?

Jérôme Cohen Olivar : Je n’envisageais pas de faire un film sur Botbol, et encore moins un film dans l’immédiat au Maroc. Quand je l’ai rencontré au mariage de sa fille, en France, j’ai trouvé son personnage très inspirant. Et notre rencontre m’a beaucoup touché, sa nostalgie, sa déchirure, son incompréhension par rapport à son départ… On sentait ce décalage entre ses aspirations initiales et là où il étai t arrivé. Et c’est ce décalage qui m’a interpelé.

Vous lui avez parlé du film ?

Non mais j’ai fini par lui dire après. J’ai voulu laisser la magie opérer. Je n’avais pas envie d’abîmer cette flamme, je la laissais me nourrir, tranquillement, j’attendais qu’elle me consume un peu plus, et au moment où c’est devenu évident, je me suis dit qu’il était temps pour moi d’écrire sur l’identité judéo-marocaine.

C’est plus une fiction que la véritable histoire de Botbol…

En fait, il incarnait ce que beaucoup de personnes vivent, mais peut être plus discrètement. Le fait pour lui de jouer du violon était l’expression de cette déchirure. Et ce sont ces notes de violon qui m’ont inspiré.

Vous auriez pu traiter le sujet en profondeur !?

Non, je n’ai pas voulu, le ressenti a été ma priorité et je ne voulais pas rentrer dans la trame dramatique où on va jusqu’au bout. Aujourd’hui, on connait les facteurs qui ont convergé à l’époque de la marocanisation, de l’appel d’Israël des juifs, qui avait besoin de peupler ses terres,… la panique a joué, l’appel, le rêve d’un monde meilleur, l’eldorado. Je pense que tout a joué pour qu’à un moment, ces gens là partent, c’était leur destin. Pour moi, c’était un cataclysme.

Quelle est la part autobiographique dans ce film ?

Même si mon parcours ne ressemble pas à ce que vit le personnage principal, j’en reviens au ressenti. Je l’ai vécu différemment, en tout cas, je pense avoir compris ce qu’ont ressenti les gens en partant. Il y a une grande part de moi à l’intérieur, sauf que ce n’est pas évident de parler de soi, c’est pour cela que je fais des films. C’est le talent d’Achille de beaucoup d’artistes. C’est intuitif, il y a la technique, l’apprentissage, le scénario, puis, le « mo i » ; et le mélange, je ne le contrôle pas.

Pourquoi avez-vous choisi de traiter une histoire sérieuse avec un brin d’humour ?

Le film est à l’image de la vie telle que je la perçois, ma réalité. La vie, c’est un peu un « Big joke » où on oublie l’essentiel, les êtres qu’on aime, sa famille, ses enfants. Parfois, on passe à côté de l’essentiel, c’est un peu ce que réalise Michael dans le film. La part de l’humour dans le film n’est pas voulue et je n’aurais pas su le traiter de façon dramatique.

Le duo Avishay Benazra (Michael)/ Aziz Dadas (Ali) est explosif. Comment s’est fait le choix des personnages ?

Avishay était parfait pour ce rôle. Je cherchais en lui la blessure, la fracture dans le regard et c’est ce qu’on voit, l’âme à travers le regard sans vouloir être poétique. Le choix de Dadas a été pour moi une évidence, je savais qu’il pouvait incarner avec brio la profondeur, la légèreté mais aussi, ce côté responsable et engagé du personnage.

L’autre duo choc est celui de Gad El Maleh et Hassan El Fad en conseillers funéraires…

Oui, d’ailleurs, ils ont voulu donner un coup de main au projet parce qu’ils ont aimé le thème. Leur participation est une participation de coeur et de soutien au sujet.

La sobriété de la mise en scène, c’était voulu ?

Je crois que si elle avait été autrement, elle n’aurait pas été utile. Cette histoire avait besoin du minimum de fioritures et d’effets. A aucun moment, je ne voulais qu’on sente la mise en scène ni qu’on fasse attention au réalisateur. Je voulais que chaque plan serve le récit.

Le film dure presque 2 heures ? Ce n’est pas un peu long ?

1h30 n’aurait pas été crédible. Il fallait avoir le temps nécessaire pour que les personnages tombent amoureux l’un de l’autre.

Vous souvenez-vous d’une anecdote pendant le tournage ?

Mon corps était tellement fatigué qu’il m’arrivait de faire la sieste entre deux prises !

Comment évaluez-vous votre expérience marocaine ?

Je suis très content et je me sens apaisé d’avoir fait l’Orchestre de minuit. C’est comme un poids dont je me suis débarrassé avant de pouvoir passer à autre chose. C’est une partie de ma vie qui me pesait, le fait de parler de mon identité.

Vous avez passé presque 20 ans aux Etats-Unis, qu’avez-vous retenu de cette expérience ?

Le scénario est roi. Si tu n’as pas un bon scénario, on te passe à la moulinette. J’ai une vie construite de rejets et ça m’a beaucoup forgé. Pénétrer le monde du cinéma à Hollywood, c’était très dur, c’était 20 ans de travail avant de pouvoir vendre un scénario. Quand on écrit un scénario après être passé par la machine hollywoodienne, on apprend à ne pas tomber amoureux de son travail, on a plus de recul par rapport à ce qu’on fait et on se dit toujours que le scénario peut être meilleur.

Pour ce qui est de la direction d’acteurs, êtes-vous adepte de l’improvisation ou plutôt carré ?

Une combinaison des deux, je sais exactement ce que je veux quand j’arrive sur le plateau, mais pas avant.

Vous êtes un mordu des films d’horreurs. Pourquoi ?

Le fait qu’on joue sur quelque chose de très primitif et animal chez nous, ça nous apprend à relativiser beaucoup de choses et ça exorcise notre peur de la mort.

Vos projets ?

Je suis en train d’écrire des scénarios délirants, des thrillers hollywoodiens, totalement différents de ce film ✱



via Abdo El Rhazi L’Orchestre de minuit, Un confetti d’amour signé Jérôme Cohen Olivar

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