Friday, September 11, 2015

Un discours injustifié

Ahmed CHARAI

Ahmed CHARAI

Dans les salons, la bourgeoisie rentière développe un discours anxiogène. Selon ses thèses, en dirigeant les grandes villes, le PJD mettra les bâtons dans les roues de l’économie en général et de leurs intérêts en particulier. Ces «théoriciens» sortent la panoplie de leurs fantasmes sur la prétendue islamisation de la société, l’atteinte au tourisme, ou encore le populisme dans la gestion communale. La réalité est plus complexe, plus contrastée. La victoire, politique, du PJD est réelle bien que relative, mais elle ne met aucunement en danger le fonctionnement des institutions. Ce parti participe à la gestion communale depuis 2003, a géré des municipalités et a même co-géré Casablanca pendant quinze ans. Le tout dans la «normalité» la plus absolue. On ne déplore aucune décision qui justifierait ces fantasmes. D’abord, l’architecture institutionnelle est ainsi faite, que même premier en nombre de voix, le PJD n’a pas les mains libres. Il est obligé de passer des alliances. Ensuite, les communes auront à traiter avec les pouvoirs de la région et ceux du wali. Le chapitre investissements dépend davantage de ces deux instances que des maires. Le PJD connait toutes ces subtilités et a démontré qu’il s’en accommode très bien. Le Chef du Gouvernement, depuis 2012, a un grand respect pour les équilibres prévus par la constitution. Il a déclaré à plusieurs reprises qu’il était «plus royaliste que le Roi», au point de s’être attiré les critiques de l’opposition. Même certains de ses propres députés estiment qu’il n’exerce pas, à leurs yeux, toutes ses prérogatives. Si le discours de Abdelilah Benkirane est jugé parfois populiste, son action ne l’est pas. Il a réussi la décompensation sans trop de casse, aidé par la baisse des cours internationaux, et s’apprête à lancer une réforme des retraites, douloureuse pour les salariés. Deux réformes sur lesquelles les gouvernements précédents ont manqué de courage. Son programme économique est ultralibéral. Le Chef du gouvernement a préféré recourir à l’endettement plutôt qu’à l’augmentation des impôts. Il parle de privatiser des secteurs régaliens tels que l’Education ou encore la Santé. Sur les questions des valeurs, telles que les libertés individuelles ou l’égalité, les acquis sont préservés par la loi et les institutions dont le garant est le Roi, incarnation de la Nation. Ce rôle est consacré par la constitution qui a été plébiscitée par le peuple marocain. Il n’y a donc pas de séisme à craindre, mais il y a plutôt une confiance dans les institutions à renforcer. Le taux de participation aux élections a augmenté de manière significative, mais aussi inégale. Il demeure, par exemple, très faible à Casablanca (à moins de 30%). Le vote exclut de plus en plus les petits partis qui n’ont eu que quelques dizaines d’élus. Ce sont des avancées, de même que le nombre de femmes élues qui dépasse le tiers imposé par la discrimination positive. Le PJD recueille 20% des voix, cela relativise le raz-de-marée. Maintenant, il faut imposer un vrai débat public sur les valeurs, mais aussi sur le modèle de développement, l’actuel étant de toute évidence épuisé, sur l’environnement, sur l’éducation qui est en faillite. Sur tous ces sujets, le patronat, le vrai, celui qui investit, crée des emplois et prend des risques, est un acteur principal. Les discours anxiogènes atteignent ce qui est essentiel pour l’économie, à savoir la confiance. Or, ils sont totalement injustifiés, non crédibles, parce qu’ils ne résistent pas aux faits. La rationalité, c’est de respecter le choix du peuple, d’enrichir le débat national et de faire confiance à la solidité des institutions.



via Abdo El Rhazi Un discours injustifié

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